La France à la WBC « Field Of Dreams »

 Un soir d’orage, alors que je consultais mes mails dans la moiteur d’un été parisien, je reçus un mail mystérieux, sans adresse d’expéditeur : « si nous y allons, ils viendront… ». Qui m’écrivait ainsi ? Aller où ? Qui viendra ? Etait-ce le mail d’un entrepreneur obscur du Nigéria qui me demanderait d’investir dans sa pseudo-société pétrolière pour ensuite fuir avec mes maigres économies ?

 Extrait vidéo : Field of Dreams

 Je mis le mail dans la corbeille virtuelle de ma boîte mail ! Mais le mail revînt sans cesse toute la semaine. Une attaque de spams ? Ou une voix de l’au-delà me commandant une mission surnaturelle ? Sauf que l’au-delà s’était mis à l’internet. Et que, n’ayant pas de champ de maïs (il y a bien un square à côté mais bon…), la mission n’avait rien à voir avec un certain fermier de l’Iowa. Non, ma mission : aller à la WBC avec une équipe de France composée de big leaguers passés de vis à trépas ou à la retraite (pour certains, parfois, c’est un peu la même chose!).

 

Cela dit, ils sont bien gentils de l’autre côté du Styx mais on peut pas faire n’importe quoi à la WBC. Il y a des critères d’éligibilité :

 

  • Il faut être de nationalité française ou être né en France, ou avoir un parent de nationalité française ou né en France, ou bien résider de manière permanente en France.

  • Ou alors, il faut pouvoir justifier du fait que l’on pourra régulièrement acquérir la nationalité française.

 

Pour cette dernière catégorie, la loi française française nous donne plusieurs possibilités. Petit tour sur légifrance pour consulter le Code Civil (ouais parce que pour recevoir un mail de l’au-delà avec les infos légales, faut s’accrocher!). Dans mon cas, ce qui pourrait m’aider pour une intégration immédiate dans le roster :

 

  • trouver un joueur de baseball qui s’est engagé volontairement dans l’armée française ou une armée alliée en temps de guerre.

  • trouver un étranger qui a rendu des services exceptionnels à la France ou celui dont la naturalisation présente pour la France un intérêt exceptionnel.

  • trouver une personne qui appartient à l’entité culturelle et linguistique française, lorsqu’elle est ressortissante des territoires ou Etats dont la langue officielle ou l’une des langues officielles est le français, soit lorsque le français est sa langue maternelle, soit lorsqu’elle justifie d’une scolarisation minimale de cinq années dans un établissement enseignant en langue française.

 

Babe Ruth présente un intérêt exceptionnel pour la France comme Ty Cobb, Joe Shoeless Jackson ou Willy Mays. Mais bon, ils iront sûrement jouer sur un champs de maïs dans l’Iowa alors il vaut mieux rechercher nos cousins d’Amérique, ceux de la Belle Province ou de la Lousianne par exemple. Des joueurs qui seront sensibles à l’appel du Vieux Continent, de la patrie originelle et des petites femmes de Paris (bah quoi?). Des joueurs qui n’auront pas joué dans les majeures au XXIème siècle… Alors, quel visage pour cette France « Field of Dreams » ? Petit tour d’horizon, poste par poste :

 CHAMP INTÉRIEUR (1B, 2B, 3B, SS).

 Yoshio Yoshida. Monsieur Yoshida, short-stop des Hanshin Tigers entre 1959 et 1963 avant d’en devenir trois fois le manager dont en 1985, permettant à la populaire franchise de gagner ses seules et uniques Japan Series. Défenseur doué et frappeur émérite, le joueur japonais récolta neuf fois le titre de meilleur short-stop du Japon. Naturellement, celui qui était surnommé « Ushiwakamaru » en référence au grand héros japonais Minamoto no Yoshitsune, fut intronisé au Temple de la Renommée du baseball japonais en 1992. Et si sa présence dans cette équipe de France se justifie, c’est parce qu’il a résidé de 1989 à 1995 en France comme manager du PUC puis de l’équipe de France. Depuis, il n’a eu de cesse d’aider le baseball français à se développer. Naturaliser Monsieur Yoshida, un intérêt exceptionnel pour la France ? Mais c’est bien plus que ça ! Et puis, même s’il n’a pas évolué dans les Big Leagues, il aurait pu puisque les Yankees souhaitèrent le signer (mais il refusa la proposition). Et puis, c’est Yoshida, un point c’est tout !

 

Steve Jeltz. Né à Paris en mai 1959, le joueur américain a passé huit saisons en MLB pour les Phillies de Philadelphie (1983-1989) puis les Royals de Kansas City (1990). En tout, dans sa carrière, il frappa pour .210 avec cinq homeruns. Deux de ses homeruns furent réalisés dans un même match, un de chaque côté du marbre puisque Jeltz était un switch-hitter. Un match qui fut remporté par les Phillies 15 à 11 alors qu’ils avaient encaissé 10 points en… première manche ! C’était d’ailleurs la première fois qu’un batteur des Phillies réalisait un homerun de chaque côté du marbre dans un même match.

 

Rabbit Maranville. Walter James Vincent Maranville, de père français et de mère irlandaise, foula les terrains des Big Leagues de 1912 à 1935, successivement pour les Boston Braves (1912-1920), les Pittsburgh Pirates (1921-1924), les Chicago Cubs (1925), les Brooklyn Robins (1926), les Saint Louis Cardinals (1927-1928) avant de retourner aux Boston Braves (1929-1933, 1935). Cet arrêt-court frappa en carrière pour .258 avec 28 homeruns et 2605 hits frappés. Il remporta les World Series de 1914 avec les Braves. Connu pour être l’un des joueurs les plus drôles et exubérants de son époque, il fut surnommé Rabbit pour ces incisives proéminentes ou par un jeune fille de 7 ans qui l’avait vu joué de manière bondissante comme un lapin… Même si sa moyenne de frappe en carrière n’est pas particulièrement élevée, Maranville était un clutch hitter et un excellent défenseur. Ce qui lui valut d’entrer au Hall of Fame en 1954, quelques mois après son décès.

 

Frenchy Bordagaray. Né Stanley Georges Bordagaray en 1910 en Californie d’un père basque français, Dominique, venu aux Etats-Unis à l’âge de 15 ans. Frenchy Bordagaray ne se sentait pas français mais basque. À l’époque, l’identité régionale, même des immigrés, était encore plus forte qu’aujourd’hui. Son père était berger et sa mère, Louise, était d’origine française mais née à Merced en Californie. Finalement, Bordagaray gagnera son surnom, non du lieu de naissance de son père mais des origines de sa mère. Il joua troisième base et champ extérieur en Major League de 1934 à 1945 respectivement pour les Chicago White Sox (1934), les Brooklyn Dodgers (1935-1936, 1942-1945), les Saint Louis Cardinals (1937-1938), les Cincinnati Reds (1939) et les New York Yankees (1941). Même s’il possédait une bonne moyenne de frappe (.286 en carrière), c’est sa personnalité qui le rendit célèbre. Il avait une personnalité haute en couleur, assez loufoque, faisait de brèves apparitions dans des films, et il porta le premier (ou fut l’un des premiers !) la moustache au 20ème siècle, à une époque où les joueurs devaient être rasés de près. Sa dernière saison en 1945 ne se passe pas très bien en défense, étant troisième de la ligue nationale en erreur en ne jouant que 57 matchs dans l’année. Ce qui fit dire à Branch Rickey, manager des Dodgers : « Il est soit le plus grand des mauvais troisième bases ou le plus mauvais des grands troisième bases. Mais il n’est jamais entre les deux ».

 

Peter Ward. Né en 1937 à Montréal, Québec. Il est l’un des rares joueurs de baseball francophones à avoir su s’imposer dans le baseball majeur. Il commence sa carrière aux Baltimore Orioles en 1962 avant de passer les années 1963-1969 chez les Chicago White Sox. Il finira sa carrière avec une dernière année aux Yankees en 1970. Troisième base, il frappa pour .256 durant sa carrière avec 98 homeruns. Fils de Jimmy Ward, joueur de hockey de la NHL, Peter sera intronisé au Temple de la Renommée du baseball canadien ainsi qu’à celui de Chicago. Il sera également coach aux Braves d’Atlanta avant de manager des équipes en Minor League, notamment pour les Yankees.

 

Ils viendront aussi : Ed Gagnier (né à Paris en 1882. Arrêt-court aux Brooklyn Tip-tops en 1914-1915 puis Buffalo Blues en 1915), Claude Gouzzie (né en France en 1873. Seconde base aux Saint Louis Browns en 1903), Joe Woerlin (né en 1864 à Traenheim, France. Arrêt-court aux Washington Senators en 1875), Tim Harkness (né en 1937 au Québec. Joueur canadien francophone. Première base aux Los Angeles Dodgers en 1961-1962 puis New York Mets en 1963-1964), Roland Gladu (né en 1911 à Montréal, Québec. Joueur canadien francophone. Troisième base et champ extérieur pour les Boston Braves en 1944).

 CHAMP EXTÉRIEUR

Tex Vache. Ernest Lewis Vache est né en 1888 à Santa Monica d’un père français. La Californie fut une terre d’immigration importante pour les français, notamment au moment de la ruée vers l’or. Champ extérieur, il ne joua qu’une seule année en Major League aux Red Sox de Boston en 1925 malgré une moyenne de frappe de .313 en 110 rencontres jouées, certainement en raison de son âge -il arrive en ligue majeure à 35 ans après avoir commencé dans les mineures à 31 ans- et d’une défense pas assez solide. Vache connut une vie mouvementée. Arrêté pour vol à 15 ans, il devint policier huit ans plus tard. Il connut aussi l’orphelinat, fut un athlète reconnu au lycée en baseball et au football US, rejoignit la Navy en 1917 lors de la Première Guerre Mondiale sur un navire anti-mines en Atlantique après avoir joué au baseball dans une ligue indépendant l’année précédente. Il connut aussi d’autres expériences dans le baseball indépendant, notamment au Texas ou à Hollywood, tout en commençant à côtoyer le baseball mineure puis majeure avec un Spring Training auprès des Saint Louis Browns en 1923. Durant sa saison en ligue majeure, il fut surnommé Tex pour avoir joué dans la Texas League. Ce joueur puissant, régulier et rapide, continua encore le baseball quelques années avant de devenir pendant vingt ans le chef de la police aux Studios Universal d’Hollywood.

 

Charlie Gilbert. Né en 1919, ce cajun de la Nouvelle-Orléans fit son service militaire en 1944, rejoignant notamment la base de sous-marins de Pearl Harbor. Avant ça, il joua pour les Brooklyn Dodgers en 1940 avant de rejoindre les Chicago Cubs jusqu’à son engagement militaire. Après la guerre, ce champ extérieur, évoluant habituellement au champ centre, rejoignit les Cubs pour la saison 1946 avant d’être échangé aux Phillies de Philadelphie en 1947 pour sa dernière saison en ligue majeure. Gilbert était issu d’une famille de baseball. Son père, Larry, joua deux ans en MLB, gagnant le championnat mondial de 1914 avec les Boston Braves. Son frère, Larry Jr, joua pour les Pelicans de la Nouvelle Orléans (une équipe que managea son père quelques années plus tôt) avant de décéder brutalement en 1941. Son plus jeune frère, « Tookie », joua pour les Giants en 1950 et 1953.

 

Larry Ressler. Lawrence P. Ressler est né à Paris en 1848 et joua pour les Washington Senators d’avril à juillet 1875. Il est considéré comme le premier joueur né en France à avoir joué en ligue majeure. On sait peu de choses de son enfance. En revanche, on sait qu’il s’établit à Reading en Pennsylvanie, qu’il fut assistant ingénieur chez les pompiers de la ville et membre du Active Baseball Club, club regroupant différentes brigades de pompiers, où il évoluait champ gauche. Après sa courte carrière en ligue majeure, il devint officier de police de la ville de Reading. Champ extérieur, il pouvait aussi jouer en seconde base.

 

Ils viendront aussi : Pussy Tebeau (né en 1870 dans le Massachusetts, d’un père français -peut-être, on verra bien s’il vient-. Cleveland Spiders en 1895).

 RECEVEURS

 Bruce Bochy. Fils d’un officier de l’armée des Etats-Unis stationné en France, Bochy est né en 1955 à Landes de Boussac en Aquitaine. Drafté en 1975 par les Houston Astros, il joue son premier match de MLB en juillet 1978. Il évolue au poste de receveur. En 1982, il intègre les New York Mets avant de partir la saison suivante aux San Diego Padres jusqu’en 1987, dernière saison de sa carrière de joueur de ligue majeure. Avec les Padres, il gagne le championnat de National League de 1984, participant à un match des World Series cette année-là. Il frappa en carrière pour .239 avec 28 homeruns. Quelques années plus tard, en 1995, il revient aux Padres comme manager. Il reste en poste jusqu’en 2006. Dès 1996, il est nommé Manager de l’année pour la National League. En 1998, il emmène les Padres en World Series mais San Diego est défait quatre victoires à zéro par les New York Yankees. En tout, il gagnera plus de 900 matchs avec les Padres, le record de la franchise, malgré une équipe au budget modeste. Fin 2006, les Padres engagent un manager plus jeune mais Bochy rebondit chez les Giants où il officie toujours. Pour le plus grand plaisir des fans de San Francisco puisqu’il porte les Giants au titre suprême des World Series en 2010, les premières depuis 1954 et le déménagement de la franchise de New York sur la côte Ouest, brisant la malédiction du Captain Grant et se défaisant des favoris les Phillies de Philadelphie en playoffs.

 

Paul Krichell. Né à Paris en 1882, Paul Krichell foula les terrains de la ligue majeure durant deux saisons, de 1911 à 1912, pour les Saint Louis Browns (une équipe récurrente chez les « Born French Players », du fait peut être de son passé français). Son père était un ébéniste allemand. Il grandit dans le Bronx puis entama une carrière de joueur professionnel de baseball qui le conduisit aux Saint Louis Browns. Mais, en 1912, une blessure mit fin à sa carrière dans le Show. Alors qu’il était receveur, il dut encaisser une charge de Ty Cobb, une charge destructrice comme le joueur légendaire savait le faire, spikes en avant, qui déboita l’épaule de Krichell. Et il fut alors libéré par les Browns après la saison 1912. Néanmoins, il récupéra de sa blessure et joua quelques années encore en ligues mineures. Il affronta d’ailleurs en 1914 un certain Babe Ruth, lanceur pour les Baltimore Orioles, qui faisait sa première apparition en professionnel. Krichell frappa ce jour là un double et un single au Bambino. Fin 1919, après avoir managé quelques équipes, il rejoint comme recruteur le manager général Ed Barrow aux Boston Red Sox puis suit ce dernier en 1921 aux Yankees de New York. Durant la saison de 1923, Krichell repère un jeune prometteur lors d’une rencontre de la Columbia University. Le jeune homme, à la fois lanceur et batteur, frappe deux homeruns en trois passages. Krichell dit à Barrow qu’il avait trouvé « le prochain Babe Ruth ». Barrow était circonspect. Krichell va donc voir une nouvelle rencontre où le jeune lanceur frappe un nouvel homerun, qui sortit du stade. À la fin du match, Krichell persuada le jeune lanceur de signer aux Yankees et de se focaliser sur son rôle de frappeur. Krichell venait de recruter Lou Gherig. Plus tard, il découvrit aussi Hank Greenberg et son travail de recruteur est aujourd’hui reconnu comme une des clés de la réussite des Yankees de Casey Stengel qui dominèrent le baseball des années 50.

 LANCEURS

Charlie Lea. Comme Bruce Bochy, Charlie William Lea était fils de militaire, un père stationné alors en France quand il est né à Orléans en 1956. Charlie Lea fut drafté à quatre reprises. Il refusa les trois premières (Mets 1975, Cardinals 1976, White Sox 1977) pour rejoindre la Memphis State University. En 1978, il est drafté par les Expos de Montréal avec lesquels il va s’engager. Débutant en MLB en 1980, le lanceur droitier affiche comme rookie une belle fiche de 7 victoires – 5 défaites. L’année suivante, il remporte cinq victoires dont un no-hitter contre les Giants le 10 mai. Il enchaîne trois autres saisons de belle facture, dont 1982 où il remporte 16 victoires sur le monticule, son record personnel. Il participe également au All-Star Game de 1984. Mais une grave blessure l’éloigne des terrains de 1985 à 1986. Il passe l’année suivante en réhabilitation dans les mineures, lançant seulement une manche en majeure. Devenu agent libre en 1988, il signe avec les Twins du Minnesota. Malgré une saison honorable pour un blessé sur le retour (fiche de 7-7 avec un ERA de 4.85 en 23 départs), il prend sa retraite à la fin de celle-ci. En tout, il cumula sur sa carrière dans le show une fiche de 62-48 pour un ERA de 3.54 en 152 matchs. Devenu ces dernières années commentateur pour l’équipe des Memphis Redbirds en AAA, il s’est éteint l’année dernière à l’âge de 54 ans.

 

Phil Marchildon. Canadien de l’Ontario, aux origines française mais anglophone, descendant d’une famille venue de France au XVIIIème siècle, Phil « Babe » Marchildon, né en 1913, était un lanceur droitier qui n’était pas prédisposé à jouer professionnel. Faisant l’impasse sur le lycée pour aller travailler à la mine -le Canada était encore embourbé dans la crise de 1929-, il jouait dans l’équipe locale semi-pro, sponsorisée par le propriétaire de la mine, possédant de grandes capacités physiques mais peu de contrôle. Néanmoins, il finit par régler ses problèmes de contrôle à tel point qu’il intégra les Toronto Maple Leafs en International League en 1939, après un essai en 1938 où il retira par strikeout tous les batteurs qui lui firent face. Il avait presque 25 ans ce qui était tardif pour débuter une carrière pro à l’époque. En septembre 1940, il débuta en MLB avec les Philadelphia Athletics, lançant dans deux matchs et joua jusqu’en 1942, année où, malgré un ERA de 4.20, il enregistra 17 victoires pour 14 défaites. À la fin de la saison, il rejoignit la Canadian Air Force et s’en alla sur le front européen en 1943. Il était mitrailleur à la queue d’un bombardier, bombardier qui effectua 25 missions au dessus de l’Allemagne jusqu’en juillet 1944. Alors qu’il lui manquait seulement cinq missions pour que l’équipage puisse repartir au pays, le bombardier fut abattu à la 26ème mission le 17 août 1944. Marchildon sauta en parachute de l’appareil avec un de ses camarades et s’échoua dans la mer du Danemark. Après avoir nagé durant quatre heures, trimballés par les remous de la mer, exténués, ils furent repêchés par des marins danois qui voulurent les ramener en sécurité en Angleterre. Mais ils furent pris par une patrouille allemande et fait prisonnier durant 9 mois dans le Stalag Luft III au sud-est de Berlin, le même rendu célèbre par le film « la Grande Evasion ». Marchildon vit beaucoup de ses camarades prisonniers tués par les gardes. Lors d’un match de softball, une balle passa à travers les barbelés. Les franchir était puni de mort. Néanmoins, l’un des prisonniers demanda au garde s’il pouvait récupérer la balle. Le garde accepta. Au moment où le prisonnier franchit les barbelés, le garde l’abattit. Libéré par les Britanniques, Marchildon retourna dans sa famille au Canada, à jamais transformé. Il se maria, eut des enfants, revint en MLB dans son équipe de 1945 à 1949 (après avoir pris le temps de se refaire moralement et physiquement) puis en 1950 avec les Boston Red Sox. Il eut même une grande année 1946 avec un ERA de 3.22 et 19 victoires pour seulement 9 défaites. Il approcha même le rêve de faire un match parfait en 1947 contre les Indians de Cleveland. Mais les ravages de la guerre se firent sentir et les saisons suivantes furent désastreuses. Marchildon s’enfonça dans la dépression et sa carrière prit fin en 1951. On ne le vit plus sourire après la guerre. Il retrouva ensuite du travail dans l’industrie, fut intronisé en 1976 au Temple de la Renommée canadien. Mais traumatisé par la guerre, une partie de lui resta là-bas pour toujours…

 

Ed Lafitte. Arrière petit-fils du français James Bertrant Lafitte (né en 1770 à Tartas, petit village des Landes et qui émigra aux Etats-Unis), Ed Lafitte est né en 1886 à la Nouvelle-Orléans. Il ne fut pas seulement un lanceur de ligues majeures mais aussi un dentiste, durant l’inter-saison. Après une jeunesse où il enchaîna les succès sur le monticule, il prit le chemin d’une carrière professionnelle. Mais ne souhaitant pas mettre tous ses œufs dans un même panier, il commença en même temps des études d’odontologie, ce qui ne fut pas évident à gérer avec les exigences d’un sport professionnel. Il débute en ligue majeure en 1909 avec les Detroit Tigers jusqu’en 1912. Après un passage en ligues mineures, il revient en 1914 dans le Show avec les Brooklyn Tip-tops dans la nouvelle Federal League. Pour deux saisons seulement puisque la Federal League ne survivra pas à la saison 1915, lui même finissant la saison avec les Buffalo Blues. Il retourne une nouvelle fois en ligue mineure pour les Atlanta Crackers où le « Doc » est un personnage fort apprécié. En 1917, il pratique sa médecine et enseigne à Philadelphie. Les Tigers rachetent son contrat mais Lafitte ne retournera plus dans les majeurs, se contentant de jouer dans de solides ligues semi-pros avec d’autres big leaguers. Puis, quand les Etats-Unis entrent en guerre, il tourne le dos au baseball et est l’un des premiers big leaguers à s’engager dans le conflit en juillet 1917. Affecté dans des unités médicales comme chirurgien dentiste, il est promu capitaine en 1918 et envoyé en Angleterre puis France. Mais le baseball le rattrape puisqu’en plus de ses responsabilités militaires, il est drafté comme lanceur pour représenter l’Etat-Major à Londres, le tout devant le Roi Georges, la reine Mary, la reine Mère et Winston Churchill. Il est ensuite envoyé dans un hôpital militaire américain en France où il fit des merveilles. À tel point qu’à son retour en 1919 au pays, il est nommé Major pour son travail réel et non sa réputation, comme l’écrivit le Brooklyn Eagle, comme c’était le cas pour d’autres joueurs professionnels. Il ne revînt plus dans le baseball professionnel (fiche en majeures 37-35, ERA 3.34), se contentant de jouer dans une ligue locale puis de coacher au Swarthmore College et à la Montgomery School for boys au début des années 20 mais surtout de poursuivre pendant 42 ans sa carrière de dentiste à Philadelphie.

 

Ted Lyons. Cajun, né en 1900 à Lake Charles en Louisiane, Theodore Amar Lyons fut l’homme d’une seule équipe : les White Sox de Chicago. Il y fut joueur de 1923 à 1942 ainsi qu’en 1946, avant d’en être le manager de 1946 à 1948. D’ailleurs, intégrant la franchise de l’Illinois après l’université, il ne joua aucun match en ligues mineures de sa carrière. Ted Lyons est tout simplement un Hall of Famer (intronisé en 1955), possédant une grande carrière comme lanceur avec une fiche de 260W-230L pour un ERA de 3.67, une nomination dans la All-Star Team de 1939, un no-hitter lancé en 67 minutes le 21 août 1926 et il fut l’un des premiers lanceurs à remporter deux victoires dans un double-header (il était lanceur de relève alors), le 6 octobre 1923. Malgré un physique athlétique, il n’avait pas une belle très rapide. En revanche, il excellait dans le changement de vitesse grâce à une courbe infrappable, une cut fastball et une knuckle. Il donnait beaucoup de but sur balles et lançait peu de strikeouts (2 ou 3 par match – son taux de strikeout est le plus bas des lanceurs Hall of Famers ayant commencé leur carrière après 1920). Il était avant tout un expert dans l’art du duel psychologique lanceur-batteur. Début 1943, après une saison 42 excellente, il décide de s’engager avec les Marines pour participer à l’effort de guerre à 42 ans. Il ne participa aux combats (certainement trop âgé) mais il fut néanmoins envoyé dans le Pacifique comme préparateur physique des troupes, où il retrouva d’autres big leaguers (comme DiMaggio sur lequel il déclara : « je suis parti du pays pour partir loin de DiMaggio et il était là ! ») et continua à jouer au baseball pour les troupes. À la fin de la guerre, il reprend sa place de lanceur chez les Sox mais ses performances ne sont plus là. Il signe sa dernière victoire le 21 avril 1946. Le mois suivant, il remplace, à la surprise générale, Jimmy Dykes, comme manager de l’équipe. Rôle qui tiendra jusqu’en 1948 avant d’être lui aussi remplacé. Par la suite, il occupera des postes de coach chez les Tigers de Détroits et les Brooklyn Dodgers avant de revenir chez les White Sox comme recruteur. En 1983, les White Sox retirèrent son numéro, le 16.

 

Claude Raymond. Lanceur de relève (plus rarement comme partant), né en 1937 à Saint Jean sur Richelieu au Québec, il fut le premier québécois à être invité au All Star Game en 1966. Sa carrière MLB a commencé en 1959 avec les Chicago White Sox et se finit avec les Expos de Montréal pour lesquels il joua de 1969 à 1971. Entre temps, il officia aux Braves de Milwaukee (1961-1963), aux Astros de Houston (1964-1967) puis aux Braves d’Atlanta (1967-1969). Un ERA de 3.66 en carrière, une fiche de 46-53 et 83 sauvetages. Il est aussi le premier québécois à jouer un match de MLB au Québec sous l’ovation des 20 892 spectateurs présents le 16 mai 1969, alors releveur chez les Braves, faisant face à la franchise québécoise des Expos. En août de la même année, ces derniers rachètent son contrat et il devient le premier québécois à jouer avec les Expos de Montréal. Il devient alors une star du même niveau que les hockeyeurs professionnels de Montréal. Une blessure mit fin à sa carrière durant le Spring Training 1972. Il devint consultant dans les médias québécois avant de rejoindre une nouvelle fois les Expos comme coach des lanceurs à la demande d’Omar Minaya, dernier General Manager de la franchise québécoise, fonction qu’il assura jusqu’au dernier match des Expos, avant leur départ pour Washington. Puis il redevint consultant et continue depuis à suivre l’actualité du baseball.

 

Ils viendront aussi : Duke Markell (né à Paris en 1923. Saint Louis Browns 1951). Claude Thomas (né en 1890 à Stanberry, Missouri. Engagé dans la Force Expéditionnaire Alliée en France en 1918 où il fut blessé lors de combats -gazé-. Washington Senators 1916). Ron Piché (né en 1934 à Verdun, Québec. Lanceur de relève francophone. Braves Milwaukee 1960-1963, Angels Californie 1965, Cardinals Saint Louis 1966). Denis Boucher (né en 1968 à Montréal, Québec. Lanceur partant et releveur francophone. Blue Jays Toronto 1991, Indians Cleveland 1991-1992, Expos Montréal 1993-1994). Bill Moisan (né en 1925 à Bradford, Massachusetts, dans la communauté d’origine française du nord-est américain. A servi en France dans les forces alliées en 1944 avant d’être fait prisonnier par les Allemands. Décoré de la Purple Heart, Bronze Star et Silver Star. Chicago Cubs 1953). Georges Maranda (né en 1932 à Montréal, Québec. Joueur francophone. San Francisco Giants 1960, Minnesota Twins 1962). Frank Schellenback (né en 1898, grand-parent français venu d’Alsace-Lorraine. Chicago White Sox 1918-1919).

 

Line-up de départ:

 1. Yoshio Yoshida – arrêt-court [Hall of Famer Japon]

2. Peter Ward – 1ère base [Hall of Famer Canada]

3. Frenchy Bordagaray – Champ gauche

4. Tex Vache – Champ droit

5. Rabbit Maranville – 2ème base [Hall of Famer USA]

6. Bruce Bochy – receveur

7. Tim Harkness – DH

8. Steve Jeltz – 3ème base

9. Charlie Gilbert – champ centre

Lanceur partant : Ted Lyons [Hall of Famer USA]

 

 

Qui pour manager tout ça ?

 

Pas évident. Car finalement, qui de mieux qu’un manager né en France vainqueur des World Series (Bruce Bochy) ou qu’un vainqueur des Japan Series tout en ayant managé un club français et l’équipe de France (Yoshio Yoshida) pour prendre la tête d’une telle troupe ? Or, ce sont deux joueurs majeurs à leur poste. Hors de question donc de les retirer du terrain. Certains de leurs coéquipiers de cette unique équipe de France ont aussi managé, coaché mais ils sont aussi des joueurs titulaires (Ted Lyons) ou d’indispensables remplaçants (Claude Raymond, Paul Krichell). Et puis, nul besoin d’être éligible comme un joueur pour manager mais il faut néanmoins avoir l’envie, le désir, les compétences. Et un lien avec le pays concerné, qu’il soit familiale, affectif ou autre, est toujours un élément déterminant. Qui pourrait la manager cette équipe de France ?

 

John McGraw ? Le célébrissime manager des New York Giants de 1902 à 1932 (également des Orioles avant ça et même joueur pour ces deux équipes en champ intérieur) est d’origine irlandaise. Mais il partagea avec la France un surnom (Little Napoléon) et deux tournées avec les Giants en 1914 et 1924. En janvier 2005, il sera d’ailleurs nommé vice-président d’honneur de la jeune Fédération Française de Thèque et de Baseball avec Charles Comiskey, propriétaire des Chicago White Sox, l’autre équipe de la tournée. De plus, John McGraw tenta à plusieurs reprises de faire entrer dans le Show plusieurs joueurs barrés par la Color Line, cette politique ségrégationniste non dite qui eut cours dans la MLB jusqu’à l’arrivée de Jackie Robinson en 1947. Durant sa carrière de manager, la France connut aussi ses problèmes de racisme, de xénophobie, de nationalisme mais pas de la même ampleur que les politiques ségrégationnistes. Ainsi, les équipes de football possédaient des joueurs étrangers, issus des colonies notamment. Au premier championnat de France professionnel de football, 113 étrangers étaient comptabilisés dans les équipes engagées, un record en Europe. Certainement, il aurait apprécié une aussi grande liberté de recrutement qu’en France pour pouvoir utiliser tous les joueurs de talent possibles, quelque soit leur couleur de peau ou leur origine.

 

On peut également penser à Ken MacKenzie. Ce lanceur de relève passé, en l’espace de six saisons MLB, par les Milwaukee Braves, les New York Mets, les Saint Louis Cardinals, les San Francisco Giants et les Houston Astros. Diplomé de Yale et ancien joueur de leur équipe de baseball universitaire, il y retourne après sa carrière professionnelle comme manager en 1969 à 1978. Une longue carrière qui connaîtra un épisode français puisqu’il va manager le PUC en 1978.

 

Comment ne pas citer Albert Goodwill Spalding, l’homme qui a toujours cru en la France comme terre de baseball ? Celui qui organisa la première rencontre officielle de baseball sur le sol français en 1889 entre une sélection All-Stars et les Chicago White Stockings (futurs Cubs) dont il était le président. Jusqu’à sa mort en 1915, il misa sur la France, sa priorité, qui ne lui rendit finalement pas. Son nom est donc intimement lié à l’histoire du baseball français. Il en est même la base. Alors, même si son expérience de manager fut courte avec les White Stockings (1876-1877), cumulée à son expérience de joueur de 1866 à 1878 – dont les trois dernières aux White Stockings, dont il devint le président quelques temps après, tout en montant la célèbre marque d’équipements sportifs Spalding avec son frère et fondant avec d’autres la Ligue Nationale -, cela fait de lui l’homme de la situation, sans nul doute !

 

Manager des Chicago White Sox une partie de la saison 1924 (remplacé par le 2ème base Collins en cours de saison), Johnny Evers participe néanmoins avec la franchise et celle des Giants de McGraw à la tournée mondiale de 1924 qui joua quelques matchs à Paris en novembre. Mais ce joueur de seconde base, qui écuma les terrains des majeures de 1902 à 1929 (avec de gros trous entre 1917 et 1922 puis entre 1922 et 1929), n’en était pas à son premier séjour en France puisqu’il vînt enseigner aux Poilus le passe-temps favori des américains en 1918 avec les Knights de Columbus. Frappant pour .270 en carrière, ce Hall of Famer (1946) gagna les World Series en 1907, 1908 (les deux derniers des Cubs) puis en 1914 (avec les Braves), année où il fut MVP de la National League. Une expérience solide dans le baseball de haut niveau et une certaine connaissance de la France.

 

Comme pour Yoshida, faisons une petite exception pour un joueur japonais qui n’évolua pas en MLB mais en NPB (Nippon Pro Baseball), la ligue majeure japonaise. Akitada Niiyama accompagna un temps comme pitching coach Yoshida au PUC et en équipe de France au début des années 90. Avant cela, il lança huit saisons avec les Nankai Hawks avec lesquels il remporta les Japan Series en 1964. Il finit sa carrière avec une fiche de 38-29 et un ERA de 3.19 en 267 matchs de NPB. Par la suite, il coacha au sein des Hawks mais aussi des Hankyu Braves et des Hanshin Tigers.

 

COACHING STAFF :

 Manager : Albert G. Spalding

Head Coach : John McGraw

Pitching Coach : Akitada Niiyama

Bullpen Coach : Ken MacKenzie

Hitting/Fielding Coach : Johnny Evers

  

Maintenant, nous pouvons nous installer dans les tribunes du vieux Ebbets Field. Nous régaler de la passion des deux commentateurs du jour, Harry Carray (commentateur des Cardinals, White Sox et des Cubs, célèbre surtout pour sa version de Take Me Out to the BallGame) et Mel Allen (la voix des mythiques Yankees des années 50). Grignoter quelques Crackers Jack et engloutir un hotdog à la New Yorkaise. Et enfin admirer nos joueurs jouter avec l’armada américaine des Babe Ruth et Satchel Paige ou les légendes japonaises emmenées par Eji Sawamura et Sadaharu Oh. Elle va être sympa cette Classique…

 

 

Ebbets Field par Fazzino

Sources :

SABR – Baseball Biography Project

Baseball in Wartime

Baseball Référence Bullpen

Wikipédia

 

6 commentaires à “La France à la WBC « Field Of Dreams »”

  1. francovanslyke dit :

    ah ce que j’étais fan de Charlie Lea le lanceur des Expos : c’était le premier starter du all star game 1984, premier match vu et diffusé sur Canal +, (le seul à ma connaissance) et c’est un peu la Madeleine de Proust ! Charlie Lea attaquait la zone comme jamais ! je ne savais pas qu’il venait de disparaitre. RIP Mister Lea

  2. francovanslyke dit :

    Bravo Gaetan un super travail qui mérite l’accreditation honus all star

  3. Fishiguchi dit :

    Du beau travail encore une fois, Gaëtan !

  4. jb dit :

    Article 5 etoiles !
    Bravo

  5. evelyne dit :

    RESPECT GAÉTAN !

  6. yann dit :

    beau boulot ! chapeau !

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