Littérature : La longue veillée de Joe DiMaggio par Jerome Charyn

Le 7 février prochain, les éditions du Sous-Sol proposeront au public français la biographie de la superstar des Yankees de New York, Joe DiMaggio, écrite par le romancier et essayiste américain Jerome Charyn. « Joe DiMaggio » est paru en 2012 aux États-Unis. Il s’agit de la deuxième biographie d’un joueur de baseball proposée par les éditions du Sous-Sol après « Qu’est-ce que tu penses de Ted Williams maintenant ? » de Richard Ben Cramer, en 2015.

Joe DiMaggio n’est pas un nom totalement inconnu en France. Il appartient à ces quelques légendes du baseball dont la renommée a réussi à traverser, plus qu’un océan, l’incompréhension et le désintérêt des Français pour le National Pastime américain. Comme Babe Ruth, Lou Gehrig, Yogi Berra, Derek Jeter ou Alex Rodriguez. Ils ont en commun d’avoir porté la tunique des New York Yankees et d’y avoir atteint le rang d’icône. Ils ont forgé la légende de la franchise du Bronx tout en profitant de sa renommée pour briller encore plus intensément.

Pour nos Yankees, si leurs exploits nous sont parvenus, c’est également parce qu’ils étaient plus que de simples joueurs de talent. Dans la lumière ou dans les ténèbres, leur parcours de vie a dépassé le cadre sportif ou l’a sublimé. De Babe Ruth qui réinventa le baseball au duo Alex Rodriguez/Derek Jeter qui représentait le ying et le yang du sport business en passant par Lou Gehrig et son tragique destin, les inspirantes citations de Yogi Berra et, bien entendu, Joe DiMaggio.

Celui qui fut seulement pour nous, français, l’un des maris de Marilyn Monroe était outre-Atlantique le Prince de l’Amérique, régnant de la fin des années 30 au début des années 50 sur ce pays dont la véritable religion unificatrice était le baseball. Et le prodige de Jerome Charyn est de nous plonger dans cette Amérique d’antan où les héros du diamant étaient les demi-dieux de la mythologie américaine et où certains parvenaient même au rang de divinité, tel DiMaggio.

Celui que l’on surnommait le Yankee Clipper, The Jolter ou Joltin’ Joe, a « foudroyé le baseball » comme l’écrit le romancier, comblant le vide laissé par Babe Ruth. Il électrisa l’Amérique avec sa série de 56 matchs avec au moins un coup sûr, en 1941, alors que le pays voyait les nuages noirs de la guerre s’amonceler et grandir sa peur d’un avenir incertain. L’espace de 56 rencontres de baseball, l’Amérique vécut un rêve, oubliant ses cauchemars guerriers.

Puis vînt la guerre, les blessures, la concurrence de Mickey Mantle, la retraite et Marilyn Monroe. Surtout Marilyn Monroe. Leur relation complexe, loin du glamour d’Épinal qui les entoure, révéla les failles du Jolter. Failles que ses performances au champ centre et à la batte avaient masqué jusque-là, grâce à un talent poussé à l’extrême par un souci de perfection de tous les instants sur le terrain.

Mais quand le baseball prenait fin, Joe DiMaggio n’avait plus rien à offrir nous dit Charyn, qui porte un regard tendre mais aussi assassin sur le héros de son enfance. Joe DiMaggio était fade. Sa personnalité d’une tiédeur affligeante était sauvée par son aura de génie au sein de la plus grande passion américaine de l’époque.

Avec un récit rythmé, empreint de nostalgie, où s’équilibrent un esprit romanesque et un patient travail journalistique, Jerome Charyn nous propose une odyssée dans la carrière et la vie de Joe DiMaggio. Une vie où la grandeur du joueur effaça de la mémoire collective l’incapacité de cet homme à exister autrement qu’en Joe DiMaggio « plus grand joueur de baseball vivant ». Et l’auteur n’hésite pas à s’impliquer, se confrontant à d’autres biographies, particulièrement celle de Richard Ben Cramer, pour livrer sa propre analyse du Yankee Clipper.

Joltin’ Joe n’eut jamais que le baseball pour briller. Heureusement pour lui, il y brilla avec tant d’éclat que cette lumière l’accompagna jusqu’à sa mort, malgré une vie de retraité somme toute pathétique où il se transforma en vendeur de souvenirs de sa propre gloire passée.

À travers le cas DiMaggio, Jerome Charyn explore également l’évolution du baseball de la révolution Babe Ruth jusqu’à aujourd’hui, métaphore ou miroir du chemin emprunté par la société américaine depuis les années folles. Le chapitre final offre à ce propos une exaltante réflexion sur le baseball, et le livre, dans sa globalité, n’est pas sans rappeler la poésie nostalgique du roman de WP Kinsella, Shoeless Joe.

Les lecteurs assidus d’Honus y retrouveront de vieilles connaissances comme Bob Feller, Ted Williams, Josh Gibson, Lefty O’Doul, Jackie Robinson, Curt Flood ou encore Hank Greenberg pour ne citer qu’eux. S’y ajoutent Frank Sinatra, Hollywood, les Kennedy, Arthur Miller, Billy Wilder et, au milieu, encore et toujours, Marylin.

Jerome Charyn nous offre une œuvre tout-terrain, qui ravira les mordus de baseball, les aficionados de sport, les passionnés d’Amérique, les lectrices et lecteurs avides de nouvelles connaissances, ainsi que celles et ceux aimant s’immiscer dans l’intimité des personnages de légende. Une lecture qui électrise notre curiosité comme jadis Joltin’ Joe électrisa l’Amérique.

 

Joe DiMaggio (The Long Vigil en VO)

par Jerome Charyn

Éditions du Sous-Sol

Sortie  : 07/02/2019

 

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