In Bed with Hideo Nomo – Partie 2

Hideo Nomo est né dans une famille modeste d’Osaka le 31 août 1968 (son père, Shizuo, était un ancien pêcheur au gros devenu agent de poste et sa mère, Kayoko, travaillait à temps partiel comme employée dans un supermarché). A l’image de ce que nous évoquions dans la 1ère partie du "Dossier Tornado", le petit Hideo était du genre timide voire taciturne, faisaint très peu part de ses émotions et ceci même auprès de ses parents. Parlant peu, il n’avait qu’une seule passion : le baseball. Je sens que vous l’aimez déjà…

Sa motion si particulière, il l’a mise au point pour impressionner son paternel lorsqu’ils jouaient ensemble au catch-ball. En Little League, cette gestuelle (on ne parlait pas encore de "tornade") lui permettait de lancer la balle plus fort mais gênait aussi considérablement les batteurs (tellement il leur était compliqué de lire sa balle).

Hideo passa 3 années au Lycée Seijo Industrial au cours desquelles il atteint la taille d’1m88 pour 91kg. Des caractéristiques physiques qui lui permirent d’acquérir l’une des meilleures fastballs du Japon. Il avait cependant de réels problèmes avec son contrôle (tiens donc ?) et ne tapa pas vraiment dans l’œil des scouts des équipes pro de sorte qu’en 1988, il se retrouve en Ligue Industrielle (semi-pro donc) chez Shin-Nittetsu Sakai. C’est dans cette formation qu’il put améliorer son contrôle et apprendre à lancer sa fameuse forkball. Après avoir lancé pour l’équipe Olympique qui remporta l’argent à Séoul en 1988 (cf. cette video bien sale où on voit Nomo aux alentours des 2’40), il fut drafté en 1989 par les Osaka Kintetsu Buffaloes et fut tout de suite au top, remportant 18 games pour 8 défaites et alignant 287 strike-outs en seulement 235 manches dont 17 dans un même match.

Sans surprise, il sera donc le Rookie of the Year 1990 mais également MVP de la Ligue Pacifique et empocha même le trophée du meilleur lanceur (le mythique Sawamura Award) : un bien beau rookie donc. Et ça ne faisait que commencer… Au cours des trois saisons suivantes, Nomo surclassait toujours n’importe lequel des lanceurs du Baseball Japonais, dominant la Pacific League en terme de victoires, strikeouts et shutouts. Sa seule faiblesse était une perte occasionnelle du contrôle de sa forkball, entraînant un nombre assez conséquent de walks. Cela n’empêcha pas Ken Griffey Jr., à l’occasion d’une visite au Japon, de tomber sous le charme : "Ce gamin doit porter un uniforme des Ligues Majeures."

Nomo était sous la "tutelle" du Manager des Buffaloes, Akira Ogi, un bon vivant qui élevait le "barathon" au rang d’art majeur et qui en connaisait autant sur Osaka by night que sur le baseball. Ogi, à qui il arrivait parfois d’inviter des hôtesses dans son bureau de manager, avait pour Hideo des consignes on ne peut plus simples : "Fais ce que tu veux du moment que tu gagnes". RIP Akira-san

Mais en 1993Keishi Suzuki remplace Ogi et l’ambiance devient moins funky. Suzuki était l’un des plus grands lanceurs de l’histoire du baseball pro Nippon, un gaucher connu pour sa fork et sa fastball qui lui ont permis de remporter 317 victoires (4ème plus haut total du Japon) au cours d’une carrière de 20 ans achevée en 1985. Suzuki, c’est quand même 3061 strikeouts au compteur et une philosophie de jeu bien "Japan Old School" qui se résume brièvement en "Lance jusqu’au trépas". Il était régulièrement arrivé à Suzuki de lancer après seulement deux jours de repos et il était assez friand de prendre des manches de relève le lendemain d’un complete game. Les jours où il n’était pas le starter partant, il allait au bullpen pour travailler son contrôle. En un mot, une bête ! Rien à voir avec la philosophie de Nomo, plus proche de celle de Nolan Ryan (entre 3 et 4 jours de repos entre chaque start au cours desquels, on lance très peu et on privilégie de la musculation de renforcement). Etant donné que le Ryan Express compte 5712 K et a lancé jusqu’à 46 ans (7 ans de plus que Suzuki soit dit en passant), Nomo a vite fait son choix.

Suzuki n’était pas un adepte de la méthode Ryan et était plutôt partisan d’un entraînement hardcore à la Japonaise : lancer minimum 100 balles par jour (entre autres). Il voulait donc que Nomo lance beaucoup plus. Il fut particulièrement déçu de la sortie d’Hideo lors de l’Opening Day 1994 contre les Seibu Lions à Tokorozawa dans la préfecture de Saitama. Nomo "strika" 11 batteurs dans les 4 premières innings et était sur un no-hitter en arrivant en 9ème, son équipe menant 4-0. Nomo concéda un double pour débuter la manche, puis un walk et une erreur de l’infield vinrent charger les bases. Suzuki décida de sortir Hideo pour un releveur qui concéda un Grand Slam Home Run. Le match s’acheva sur une défaite des Buffaloes. Suzuki expliqua ensuite qu’en étant mentalement et physiquement plus fort, Nomo aurait su conclure le match… Je n’ai pas trouvé de vidéo de ce match mais en voici une d’une rencontre face aux Lions qui y ressemble étrangement.

En juillet de cette meme année, encore contre ces mêmes Lions, Nomo connut de gros soucis de contrôle, concédant walks sur walks dès le début de la rencontre. Suzuki le laissa pourtant sur le monticule pour la totalité du game : 191 lancers et 16 BB ! En choisissant de ne pas le relever, Suzuki cherchait à renforcer le mental de son ace mais peu après ce game, Nomo commença à sentir des douleurs dans son épaule. Au lieu de le laisser se reposer, Suzuki-kantoku envoya Hideo en farm-team pour le faire travailler plus : "le meilleur moyen de guérir le bras, c’est de lancer plus. Il faut vaincre la douleur." Un poète, ce Suzuki. La poésie n’ayant que rarement guéri son homme, Nomo se ruina l’épaule pour de bon à tel point qu’il ne pouvait plus conduire que de la main gauche. Sa saison était terminée et cette blessure le suivra toute sa carrière.

Hideo voulait depuis longtemps jouer en MLB. Il regardait les matches de Major League, avait eu l’occasion d’affronter certains joueurs lors des visites de joueurs All-Star au Japon et pensait secrètement qu’il avait les capacités de lancer aussi bien qu’eux. Il attendait donc que l’opportunité se présente avant que son bras ne se désintègre ou avant d’avoir cumulé 10 ans pro au Japon pour pouvoir prétendre à la free agency (selon le système en vigueur en 1992). C’est à ce moment, qu’il rencontre, en 1994, Don Nomura, un ancien joueur de la farm-team des Yakult Swallows devenu agent de joueur du côté de Los Angeles…

Le Nomura, c’est un petit filou. En épluchant le "Japanese Uniform Players Contract", il découvre une clause de "départ volontaire à la retraite". Dans le MLB Player Contract, cette clause existe : si un joueur qui a pris sa retraite décide de rejouer, il ne peut reprendre que dans son ancienne équipe (sauf s’il avait pris sa retraite au moment où il devenait agent libre). Au Japon, la clause est un peu différente car le comeback doit se faire dans le club d’origine tant que l’ex-joueur vit au Japon. Clairement, l’essence de cette clause était de ne pas bloquer les étrangers venus jouer au Japon. Nomura tient le bon de sortie de Nomo : une fois retraité, Nomo aura une totale liberté de jouer aux Etats-Unis sans pour autant violer le Working Agreement en vigueur entre les States et le Japon.

Vous vous doûtez qu’au Japon, l’affaire fera grand bruit. La superstar des Yomiuri Giants, Sadaharu Oh, qui a longtemps été convoité par la MLB, déclarera que si lui-même avait été au courant de cette “faille”, il ne l’aurait pas exploitée par respects pour les fans. L’acte de Nomo sera véritablement vécu comme une trahison envers son pays. La validité de cette clause de départ volontaire à la retraite sera cependant reconnue via une série de courriers entre officiels Japonais et Américains sous l’œil plus qu’attentif de Don Nomura.

Selon Nomo et Nomura, la décision de quitter le Japon a été prise tôt dans la saison 1994, bien avant la fameuse série de courriers, tant ils étaient persuadés de la légitimité de leur position. Ils étaient tellement sûrs de partir que Nomo signa délibérément un contrat avec Nike afin de porter des spikes de la marque Américaine lors du All-Star Game 94 (à l’époque, tous les joueurs de Pacific League devaient être en Mizuno) au grand dam de Kintetsu qui devait toucher un pourcentage du deal avec Mizuno.

L’off-season venue, Nomo demanda un contrat de 3 ans et un salaire doublé. Pour être tout à fait honnête, Nomo connaissait déjà la future réponse du board et sans surprise, le président des Buffaloes, Yasuo Maeda, considérant qu’Hideo était trop jeune pour gagner tant d’argent, refusa. Il n’y a que les gaijins à qui on verse de tels salaires. Maeda était même plutôt partisan d’un "salary cut" étant donné la saison moyenne du lanceur et son bras en charpie. Le plan de Nomo était lancé : devant le refus de ses dirigeants, il décide de prendre sa retraite et quitte le baseball… Japonais. Chez les Buffaloes, c’est la stupéfaction ! Personne n’est au courant de la règle que s’apprête à brandir le tandem Nomo-Nomura mais ce qui est sûr, c’est que Nomo, à 26 ans, est retraité mais surtout agent libre aux yeux de la MLB. Autant être très clair, cette arnaque à la free agency est vue d’un sale œil par la NPB et le pays lui-même : Nomo est un traitre doublé d’un ingrat et la MLB une belle bande d’arnaqueurs. Hideo est impliqué dans une véritable tornade médiatique (cette blague vous est offerte par Honus, le blog qui a toujours le mot pour rire) et les fans, les medias, les officiels de la NPB ainsi que les grands noms de ce sport au Japon se succèdent pour critiquer un tel acte. Oh Sadaharu, Shigeo Nagashima, Senichi Hoshino et même le propre père d’Hideo se déchaînent contre le méchant Nomo.

Un non-Japonais saisira mal combien il a fallu du courage à Nomo pour ne pas avoir fait machine arrière. La pression fut telle que même Nomura, son propre agent, était en proie au doûte : jouer en MLB valait-il le coup d’être haï par tout un pays ? Mais la volonté de Nomo ne vascilla pas.

Les officiels de NPB modifièrent les textes afin de faire disparaître cette clause de départ à la retraite (devenue la "Clause Nomo") mais, trop énervés peut-être, ils oublièrent de notifier ces modifications aux Commissaires de la MLB comme le stipule le Working Agreement évoqué plus haut. Les embrouilles n’étaient pas terminées… D’houleuses discussions MLB-NPB concernant le "départ à la retraite" d’Alfonso Soriano (qui, avant de débarquer en MLB, jouait pour les Hiroshima Carp et avait pour agent… Don Nomura) qui s’appuyait sur le vice de forme de la dénonciation de la "Clause Nomo" pour quitter le Japon aboutirent à la suppression pure et simple du Working Agreement. Il fut remplacé par le système de "post" en vigueur de nos jours.

Un Japonais ne peut dorénavant signer dans une franchise MLB que si cette dernière s’est acquittée d’un droit à la négociation auprès du club NPB du joueur : c’est ainsi que les Boston Red Sox déboursèrent plus de 50 millions de dollars simplement pour pouvoir proposer un contrat à Daisuke Matsuzaka (l’ace des Seibu Lions).

La Clause Nomo n’existe plus mais sa place dans l’histoire tumultueuse du baseball international est garantie.

(libre adaptation de l’article de Robert Whiting – “Contract loophole opened door for Nomo’s jump”)

    

(Hideo Nomo, lorsqu’il évoluait en Ligue Industrielle au sein des Shin-Nittetsu Sakai)

 

13 commentaires à “In Bed with Hideo Nomo – Partie 2”

  1. Fishiguchi dit :

    Les 317 victoires, c’est dans l’artcle… C’est le reste que je ne connaispas sur lui. L’équipe pour qui il jouait notamment. Son ERA, des trucs du genres…

  2. Beru dit :

    Nan, mais c’est normal que vous ne connaissiez pas Keiishi Suzuki, car ce nom n’existe pas !!! Il s’appelle Keishi (avec un seul i entre le e et le s) Suzuki.

    Il fait partie du Meikyukai (les joueurs ayant plus de 2000 hits, 200 victoires ou 250 saves) au même titre que Nomo :
    Page de Keishi Suzuki au Meikyukai
    Page de Hideo Nomo au Meikyukai

    Il est classé 4ème au nombre de victoires en carrière avec 317 victoires, la 1ère place étant détenue par Masaichi Kaneda, qui détient aussi le record dont on parle dans l’article sur Darvish.

  3. Gaétan dit :

    Tu connais pas Keiishi Suzuki ? Sérieux ? Moi non plus ! 😉

  4. Fishiguchi dit :

    Il faudrait que je checke, ça me dit quelque chose effectivement… J’ai mis le lien vers sa page sur baseball-reference.

    Par contre, je n’ai rien pu trouver concernant Keiishi Suzuki. Si par hasard, tu trouvais quelque chose, Beru…

  5. francovanslyke dit :

    Concernant Okiga Ogi, il y a pas un passage sur lui dans we gotta have wa ? J’ai en mémoire un chapitre sur un coach un peu extraterrestre par rapport à l’ambiance trés hardcore de la npb…. ne serait ce pas lui ?

  6. Beru dit :

    c’est ainsi que les Boston Red Sox déboursèrent plus de 50 millions de dollars simplement pour pouvoir proposer un contrat à Daisuke Matsuzaka (l’ace des Seibu Lions).

    A ce sujet, il y a d’ailleurs des rumeurs se demandant si certains clubs ne misent pas sans avoir l’intention de signer le joueur (comme les A’s pour Iwakuma?), dans l’unique but qu’une autre équipe ne récupère pas ce joueur.

  7. Fishiguchi dit :

    La tornade ne s’arrêtera jamais ! Elle se repose, c’est tout !

  8. francovanslyke dit :

    Je ne savais pas que l’épisode Nomo était à l’origine du système de post actuel. Ce lecteur attend d’ailleurs avec impatience la troisieme- ou peut être quatrième partie : la déchéance de Nomo ; tel un Elvis Presley carburant aux barbituriques, il faudra parler de la fin de la tornade !

  9. Fishiguchi dit :

    Ah mince ! Un lecteur !

  10. francovanslyke dit :

    Trés bon article : ce mister Akira Ogi, voilà un manager à la cool ! il détonne dans l’ambiance old school japonaise. « Lance jusqu’au trépas », c’est en tout cas une sacrée bonne formule.

  11. Fishiguchi dit :

    Ouais ben, tu attends ton tour, hein ? J’ai déjà reçu une déclaration suite à la 1ère partie ! :p

  12. Florian44 dit :

    Fish Je T’aimmme !!!!!!! C’est ton plus bel article. Milles Merci.

  13. Fishiguchi dit :

    N’oubliez pas qu’il y a quelques liens actifs pour illustrer ce pavé…

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