Moe Berg : le catcher espion

Honus va ici vous relater les aventures du catcher espion, le mystérieux, celui qui gagne la guerre à lui seul, il est rusé, il parle le japonais, mais aussi l’allemand et le latin, il est catcher, mais il est également avocat, espion, et enfin il est le dernier samaritain : pour les plus malins, vous aurez peut être reconnu Moe Berg

Le nom de Moe Berg devrait dire quelque chose aux lecteurs du Blog : et oui, Moe Berg a participé à la fameuse tournée de 1934 du Babe au Japon, où il était venu pour faire l’espion. Ce qui pourrait passer pour une anecdote de cette tournée. Mais l’histoire de Moe Berg va bien au-delà de l’anecdote et le récit de sa vie, voire de sa double vie, est tout simplement hallucinant.
Etudiant surdoué d’origine juive, Moe Berg est originaire d’un quartier pauvre de Manhattan. Moe Berg est doué en langues et il a appris le latin, le grec, le français, l’espagnol, l’allemand, le japonais, le sanskrit lors de ses études à Princeton. Il devient linguiste tout en devenant le short stop de l’équipe de Princeton. Il communique avec son lanceur en latin, meilleur moyen de garder secret les jeux annoncés, c’est certain !… Au vu de ses études brillantes, on lui offre un poste d’enseignant dans le département des langues romaines dés sa sortie.

Il aurait pu être un enseignant mais Moe Berg préfère le baseball. il tente de faire carrière et il est signé short stop aux Brooklyn Dodgers. Le souci est qu’il n’a pas de bâton, et il est envoyé rapidement en Minor league en 1924. Il est l’archétype du short stop classique, grosse défense et bon bras mais pas de bâton «  Good field, no hit » comme dira de lui le scout Mike Gonzales. L’un de ses coéquipiers s’amusant de lui lui dira d’ailleurs "Moe, I don’t care how many of them college degrees you got, they ain’t learned you to hit that curve ball no better than the rest of us."
Pour sur, Moe Berg détonne dans le milieu professionnel du baseball. Il part étudier la philosophie à la Sorbonne, puis il joue deux saisons en International league, où les White sox vont venir racheter son contrat. En 1926, il signe aux White Sox de Chicago tout en intégrant l’école de droit de Columbia. Tout en jouant pour les White Sox, il parvient à finir second de sa promotion !

Les White sox le reconvertissent au poste de catcher, où son intelligence pourra pleinement s’exprimer. Sur ses talents de catcher, Casey Stengel le compare au grand Bill Deckey. Moe joue régulièrement et frappe même pour .287 en 1929 et il reçoit quelques voix (2) pour le titre de MVP de la ligue américaine. Mais il va se blesser sérieusement en 1930. Il devient alors un joueur remplaçant, plus un utility player, un back up catcher jusque la fin de sa carrière en 1939.

Un pan de sa vie est assez mystérieux. Il est vraisemblablement contacté par les services secrets américains qui voient d’un œil inquiet la montée de la puissance japonaise dans les années 30. Il est intégré dans l’équipe « All Americans » du Babe qui fait la tournée de 1934. Les sportifs de l’époque seront assez surpris de sa sélection, à côté des plus grandes vedettes de l’époque ! Il y a des questions à se poser sur un catcher back up qui a une moyenne de .251 et qui détonne à côté des Babe, Lou Gehrig et autres Jimmy Foxx, qui sont les meilleurs joueurs de la planète ! Moe Berg a pour lui qu’il parle couramment le japonais et on le présente un peu comme le diplomate de l’équipe.

Moe Berg à gauche lors de cette fameuse tournée japonaise

Lors de cette tournée, il arrive à Moe de disparaître. Echappant sous quelques prétextes à la courtoisie nippone, Moe Berg visite Tokyo et a les yeux grands ouverts. Il profite même d’une journée pour aller à l’hôpital Saint Luke, l’un des bâtiments les plus hauts de Tokyo. Il emmène un bouquet de fleurs, et demande à l’accueil la chambre de la fille de l’ambassadeur américain, qui vient d’accoucher. Au lieu de la visiter, il monte en réalité sur le toit et il sort de ses habits une caméra. C’est un véritable outil d’espionnage et ce qui se fait de mieux niveau technologie en 1934 ! Il filme alors les usines de Tokyo, tout Yokohama, et les alentours de la ville. Il laisse le bouquet de fleur sur le toit et redescend incognito. Il récupère ses coéquipiers qui ont battu une fois encore une sélection japonaise. Le sourire aux lèvres, il a réussi l’une de ses premières missions d’agent secret. Lorsque les avions américains bombarderont Tokyo 8 ans plus tard, le général Jimmy Doolite utilisera le film de Moe Berg pour identifier les cibles.

Mais les aventures de Moe Berg ne s’arrêtent pas au Japon.
Sa carrière de joueur le verra jouer dans différentes équipes (Cleveland, Washington, Boston Red Sox) mais blessé, il n’arrivera jamais à s’imposer comme un jouer régulier. Lorsqu’il s’arrête à l’âge de 37 ans, il n’a frappé que 441 hits en 1812 at bats, aura frappé seulement 6 HR en carrière. Il aime toujours le baseball et devient un coach dans l’organisation des Red Sox. Mais le 14 janvier 1942, son père disparaît, et il quitte soudainement le sport professionnel.

Les USA sont désormais en guerre et la vie de Berg va, de l’avis de ses biographes, connaître de nouveaux rebondissements.
Il trouve un emploi au sein de l’office des affaires inter américaines, qui va lui donner l’occasion de travailler et de voyager en Amérique du sud et en Amérique centrale afin d’étudier la santé et l’état des populations locales. Il est approché en 1943 pour l’Office of Strategice Services (O.S.S.), les services secrets américains de l’époque, soit l’ancêtre de la CIA.
Il s’avère assez maladroit durant son entraînement mais il sera finalement choisi pour effectuer une des missions les plus sensibles de l’OSS du fait de ses talents en langue allemande et de sa grande motivation. L’OSS surveille de prés les allemands et surtout l’équipe de Werner Heisenberg, responsable des projets sur l’élaboration d’une bombe atomique. Les services secrets anglais sont convaincus que les scientifiques de Hitler sont prêts à découvrir l’arme atomique. Le général Leslie Groves responsable américain du projet Manhattan, soit l’arme atomique, en veut la confirmation. Berg est envoyé à Zurich en 1944 pour vérifier l’état des travaux allemands et donner le feu vert si le projet est prêt d’aboutir à l’assassinat de toute l’équipe de chercheurs. Il a pour ordre d’assassiner lui même si besoin Heisenberg. Il se rapproche de lui en tant qu’étudiant et parvient à récupérer les informations ; constatant que les allemands étaient loin du compte, aucun ordre d’assassinat ne sera finalement donné. 

En 1946, un mémo déclassifié indique que le Colonel Howard Dix souhaitait lui remettre la « médaille de la liberté » pour cette opération.
Les talents multiples de Moe Berg vont donner l’occasion à l’OSS de le faire travailler sur différents sujets : les radars, les systèmes de codes, et surtout l’espionnage industriel. Berg organisera le départ de l’Italie pour les Etats-Unis d’un de ses meilleurs ingénieurs aéronautiques, Antonio Ferri. Le président Roosevelt apprenant la nouvelle aurait déclaré « je constate que Berg catch toujours aussi bien ! ».
De l’avis de ses supérieurs, Berg était réputé pour une intelligence hors pair, et un vrai talent pour comprendre les enjeux et les situations sur le terrain.
On retrouve des traces de son activité d’espionnage en Tchécoslovaquie où il est interpellé par les forces de l’ordre soviétiques qui l’ont démasqué. Il avait utilisé une lettre avec une étoile rouge en guise d’accréditation pour surveiller des usines, Moe Berg reprenant en réalité l’entête de la compagnie Texaco Oil Company afin de faire de faux papiers.
A la fin des années 40, il cesse vraisemblablement ses activités d’espionnage. Vraisemblablement, lorsque en 1947, l’OSS laisse place à l’appareil bureaucratique de la CIA des personnalités atypiques comme Berg sont mises de côté. 
Ses dernières années sont peu connues. Moe Berg souhaitait écrire sa biographie et ses mémoires d’espion mais le projet n’aboutira pas. Il vit avec sa sœur Eithel, et disparaît à l’âge de 70 ans, en 1972. Ethel ramène, semble t’il, ses cendres en Israël.

Nul ne sait où ses cendres reposent désormais.
Moe Berg, un gars tant durant sa vie que dans sa mort qui restera un beau mystère.

 

 

13 commentaires à “Moe Berg : le catcher espion”

  1. […] vous a déjà conté l’histoire du célèbre Moe Berg, receveur en ligue majeure et espion à ses heures perdues. Si Berg était un joueur de […]

  2. francovanslyke dit :

    pour en savoir plus, baseball page consacre une page à Moe Berg
    http://www.thebaseballpage.com/players/bergmo01

  3. […] les conseils des joueurs américains. Bien sûr, on sait désormais que Moe Berg faisait l’espion pour les services secrets américains lors de ces […]

  4. Hraf dit :

    CONTINUEEEEE !!!!!!!!!!!!!!!!!

  5. bernard dit :

    Magnifique ! PASSIONNANT !!!

  6. Florian44 dit :

    Superbe article. Milles merci .

  7. LaHuppe dit :

    FVS alias Marty dans sa Delorean…

  8. francovanslyke dit :

    C’est vrai qu’on arrive à la fin de cette tournée de 1934… heureusement parce qu’on va passer pour des dingos. il y a bien 15 articles sur cette tournée de 1934….. heureusement je parlerai bientôt d’autre chose, la tournée japonaise de 1922 !

  9. Fishiguchi dit :

    Un super article qui permet de rappeler à nos lecteurs qu’Honus, c’est avant tout un blog sur la tournée de 34 plus que sur le baseball en lui-même…

  10. francovanslyke dit :

    Gaetan, sur le mossad, ca me fait penser à ce film « les patriotes », l’un des meilleurs films avec yvan attal sur le sujet !

  11. Vince dit :

    super article! du baseball, du suspense, de l’espionnage… bientôt sur vos écrans? 😉

  12. Gaétan dit :

    Cela dit, le KGB utilisait régulièrement les sportifs soviétiques (qui étaient souvent des militaires également) comme espions ainsi que le Mossad… Bah le Mossad utilise tout le monde comme espion de toute manière !

  13. Gaétan dit :

    Yes ! ça c’est de l’article Honus ! ça c’est de la vraie histoire de fou ! Baseball et espionnage , quel beau mélange ! 😉