Kirk Gibson et l’impossible….
Honus revient sur un sacré coup de bâton qui date déjà d’il y a plus de vingt cinq ans. On parle là d’un moment de légende, un dont tous les heureux spectateurs peuvent encore en parler avec des yeux qui brillent. On parle de la frappe de Kirk Gibson lors du match 1 des World Series 1988. Cet Home Run résonne peut être comme le moment sportif le plus dramatique depuis certainement "The shot heard around the world" de 1951…. Un moment historique de ferveur folle. En plus, les archives et les interviews des différents protagonistes ont permis de comprendre que ce coup de batte était plus qu’un coup de génie, c’était également une réussite tactique et tout le succès d’une organisation, celle des Los Angeles Dodgers.
Les World Series 1988 vont voir s’affronter une nouvelle fois deux équipes de Californie, les Los Angeles Dodgers et les Oakland Athletics. Mais si les deux équipes sont californiennes, elles n’ont rien en commun et ces finales s’annoncent comme le choc de deux cultures. Les Dodgers ont une équipe type de national league : des joueurs hargneux, rapides et une défense solide, mais pas beaucoup de puissance offensive. Ils ont pris la tête de leur poule dés le mois de mai 1988 et n’ont jamais rien lâché. Ils affichent au final une fiche de 94-67. Leur force, avant tout un gros collectif autour de quelques lanceurs trés solides : Orel "Bulldog" Hershiser en Ace, Tim Belcher en second lanceur, couvert par un bullpen de grande qualité (Jay Howell et Jesse Orosco). Le General Manager des Dodgers a signé un gros renfort durant l’été avec Kirk Gibson, le slugger de Detroit. Mais ils vont demeurer malgré tout des "underdogs", soit la petite équipe lorsqu’ils vont rencontrer les Oakland A’s.
Kirk vers les étoiles de la Californie
Pourquoi des underdogs ? Parce que les Athletic’s affichent depuis deux, trois ans ce qui se dessine comme l’équipe du futur du baseball : la première équipe fondée sur du muscle, du muscle et surtout du muscle. Le line up est terrifiant et menée par deux colosses : Jose Canseco et Mark McGwire. Canseco mène la ligue avec pas moins de 42 HR, 124 RBI et un slugging de .589. Mc Gwire suit avec 32 HR et 99 RBI. On les nomme les "Bash Brothers", et ils se donnent des coups de coudes chaque fois que l’un des deux a cogné un Home Run…. et il y en a beaucoup…
Les Bash Brothers
Canseco et McGwire sont deux prototypes d’un baseball du futur où 50 Home Runs par saison sera une bonne moyenne. On ne sait pas à l’époque que ces gars sont terriblement chargés, on ne voit que leurs exploits et leurs frappes de titans. A côté d’eux, quelques autres déménageurs comme Dave Henderson l’ex vétéran des Red Sox et le vieillissant Dave Parker "Le cobra" ex-Pirates. Les A’s ont en plus Bob Welch et Dave Stewart en lanceurs, qui sont de trés puissants lanceurs, finalement dans le style pur jus d’Oakland.
Le sort semble scellé tant il semble exister un fossé entre les A’s du futur et des Dodgers du passé.
Mais les finales de ligue vont montrer que les Dodgers peuvent sortir le gros bâton, enfin surtout leur star Kirk Gibson, qui va frapper des Home Runs décisifs en match 4 et 5, dont un à 3 points durant le match 5 pour éliminer les New York Mets.
Match 5 NLCS : HR à 3 points pour Gibson qui enterre les Mets
Le souci, c’est que Kirk Gibson va se blesser durant cette série. En attrapant en champ une line drive au prix d’un jeu impossible, il s’est blessé dans l’action mais a serré les dents pour rester dans la partie. Le joueur va payer son entêtement et sur un vol de base, Gibson aggrave sa blessure et se blesse à l’autre jambe. Kirk est Out pour les World Series.
Le match 1 des World Series va se dérouler au Coliseum de LA. Les Dodgers ne peuvent donc pas aligner Kirk Gibson et se privent de leur meilleur joueur. Le slugger reste dans les vestiaires du club et se fait soigner par l’équipe des kinés. A chaque manche, Lasorda le coach des Dodgers vient prendre de ses nouvelles, on ne sait jamais…
Les deux équipes envoient leur aces sur le monticule : Dave Stewart contre Orel Hershiser.
Le match démarre et surprise, les Dodgers vont prendre l’avantage avec une frappe en Home Run de 2 points de Mickey Hatcher dés la première manche. Mais les A’s sont là et Canseco frappe un grand slam en réponse dés la seconde manche. 4-2 pour les A’s.
Hershiser va cependant lancer de manière incroyable et résister aux A’s. Le magazine Sport Illustrated mettra en évidence que le lanceur avait noté sur un carnet pour chaque batteur des A’s qu’il allait affronter tous les lancers et leur ordre précis. Hershiser surnommé "Bulldog" va parvenir à museler les cogneurs d’Oakland.
Le match arrive vers sa fin et les A’s voient leur avance fondre avec un hit de Mike Sciocia en 6e manche qui fait rentrer un point. C’est 4-3 au score.
Tonny la Russa envoie en 9e manche le meilleur closer de la saison, Dennis Eckersley, et son fameux lancer de 3/4.
Eckerskley, le closer des A’s
Eck est le meilleur closer de sa génération et les batteurs qu’il va affronter sont le bas du line up des Dodgers. Eck est un grande forme (il est l’auteur de 45 Saves sur la saison, soit un sommet pour 1988, et a été désigné comme MVP des finales de ligues américaines). Il est aujourd’hui au Hall of fame…
Eckersley qui est en forme…
Tommy Lasorda prévient Mike Davis qu’il viendra frapper à la place du lanceur. Eckersley élimine rapidement Sciocia sur un pop out puis Hamilton sur une ground.
Il y a donc deux outs et ça sent tout simplement la fin du match. Mike Davis passe donc au bâton.
Les carottes semblent bel et bien cuites pour les Dodgers. Mais Mitch Poole un gamin du club de Los Angeles vient voir Lasorda et lui annonce que Gibson veut lui parler. Lasorda voit alors arriver Gibson dans le tunnel qui lui annonce "Je crois que je peux jouer Coach". ("I think I can hit for you, Skipper."). Gibson n’en peut plus de rester dans les vestiaires, Il est allé même prendre des at bats dans la cage de batting. Gibson veut jouer, même s’il est bien conscient que ses swings à l’entrainement sont bien pourris….
Gibson soldat volontaire
La difficulté c’est que Gibson, s’il peut peut être frapper, ne peut pas courir…
Lasorda n’hésite cependant pas une seconde et lui donne son feu vert.
Mais le coach de Los Angeles va alors la jouer très fine : il ne veut pas que les A’s voient Kirk Gibson s’échauffer. Anderson va alors rester dans le cercle d’échauffement. La batterie des A’s va donc croire que Andersen est bien le prochain batteur.
Dennis Eckersley craint la puissance de Mike Davis qu’il connait bien, Davis ayant joué justement pour les Oakland A’s de 1980 à 1987 !
Eckersley donne finalement un but sur balles à Davis suite à un compte de 3-2 pour affronter Andersen, qui devrait être un batteur plus facile à éliminer. Mais Anderson n’ira jamais au bâton….
Lasorda envoie alors Kirk Gibson au bâton à la place d’Anderson. C’est alors la grosse surprise dans le stade comme dans les rangs des A’s puisque Gibson ne devait pas jouer : la clameur est énorme dans le stade.
Les consignes de Lasorda sont claires : Gisbon a droit à 2 lancers pour tenter de la sortir, sinon Davis volera la seconde base afin de provoquer l’égalité. Lasorda veut coincer laRussa sur un point : il sait qu’avec un coureur en deux et deux strikes, la consigne de La Russa sera de ne pas laisser de Base on Balls à Gibson.
Sur les deux premiers lancers, Gibson s’élance avec son swing de mammouth et les balles partent en fall ball. Le compte est donc de deux strikes, puis deux balles.
Mike Davis vole la deuxième base comme prévu sur un lancer extérieur de Eckersley et arrive safe sur bases.
Le but de Gibson est désormais de frapper un simple en champ pour faire rentrer Davis de la 2e base et provoquer l’égalité, comme il l’a fait tant de fois lorsqu’il jouait à Detroit.
Tony la Russa est inquiet.
Kirk Gibson appelle alors un time. Compte 3-2. C’est le moment clé. Kirk Gibson souffle et se concentre. Il se rappelle alors les remarques de Mel Didier un scout de l’organisation des Dodgers : "Contre un batteur gaucher avec un compte plein, Eckersley revient toujours avec une slider extérieur. "
Kirk Gibson va alors à la frappe, persuadé que le prochain lancer sera une slider extérieur.
Eckersley prend les signaux et s’élance.
Kirk Gibson attend la balle …. qui est bien une slider extérieure, il s’élance avec un swing compact mais finalement assez moche, on a l’impression que la balle est frappée sur une jambe mais….. elle voyage loin et sort…. au champ droit.
Home Run . Fin du match. Les Dodgers gagnent 5-4 !
Kirk Gibson va alors faire le tour des bases, et a vraiment du mal à marcher, il va accompagner sa marche d’un gimmick avec son point qu’il agite comme une locomotive….
Gibson qui est blessé et ne peut mettre un pas devant l’autre vient de produire une frappe de légende.
C’est la folie dans le stade du Coliseum. L’élimination fort probable s’est transformée en coup de poker.
Les A’s sont tombés sur un rock. L’impossible est arrivé comme l’annonce le présentateur Vin Scully "The impossible has happened". Un joueur blessé terrasse les titans d’Oakland.
Avec ce Pinch Hit Home Run, Kirk Gibson devient à ce moment là le futur MVP de la ligue nationale pour la saison 1988. Il a enterré ce jour les débats chez les journalistes.
Le plus amusant, c’est que Kirk Gibson ne pourra plus jouer dans aucun des autres matchs de la série mondiale 1988, ce qui n’empêchera pas les Dodgers de battre malgré tout les A’s et leur muscles stéroïdés.
Les Bash Brothers ont été vaincu….
BHONUS :
Toute la fin de manche en vidéo avec les visages de Lasorda et de Eckersley, qui valent tout….
Tout le match 1 sur la chaine TonTube de MLB
A voir aussi
Des photos des NLCS 1988 trés belles
http://dodgersphotog.mlblogs.com/2012/01/17/11712-something-historical-game-5-nlcs-1988/#jp-carousel-2116334
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http://espn.go.com/los-angeles/mlb/story/_/id/9821079/25th-anniversary-los-angeles-dodger-kirk-gibson-world-series-home-run
http://mlb.si.com/2013/10/15/kirk-gibson-dennis-eckersley-dodgers-athletics-1988-world-series-home-run-oral-history/