Jeu de Dames, chapitre II : Ascension et déclin du baseball féminin US.

Suite de notre exploration du baseball féminin aux États-Unis avec l’apparition des Bloomer Girls et la création de la All-American Girls Professional Baseball League. 

Nous vous avons précédemment conté que la société américaine fut traversée vers la fin du 19ème siècle par un débat sur la place de la femme dans la société, notamment vis à vis du sport, et du rôle pris par Amelia (nommé aussi Adélaïde) Bloomer dans ce débat. En proposant son pantalon à la turque dans la pratique sportive féminine, elle permit au baseball féminin de franchir une nouvelle étape dans son développement. 

Jusque là, la pratique du baseball féminin était cantonnée aux « colleges » américains ainsi qu’aux rares affrontements Blondes/Brunettes organisés par des promoteurs sportifs à la recherche de spectaculaire. Grâce au pantalon de Mrs Bloomer, les femmes peuvent désormais accéder au baseball tant en profitant de l’innovation vestimentaire que d’une relative libéralisation des moeurs des femmes sur la question sportive.

 

Cette révolution culturelle et vestimentaire va également influer petit à petit sur le niveau de jeu des joueuses. Les premières équipes de Bloomer Girls, qui naissent entre Philadelphie, New York et Chicago, se dotent, tout de même, de trois joueurs masculins dans les postes considérés comme essentiels et demandant une aptitude athlétique particulière : lanceur, catcheur et arrêt-court. Certains de ses joueurs, jeunes adolescents ou jeunes hommes, furent appelés des « Toppers », en raison d’une perruque bouclée, voir une jupe, qu’ils portaient lors des matchs pour se faire passer pour une femme et augmenter la compétitivité des équipes censées être uniquement féminines. Des travesties dans le baseball, vous ne rêvez pas ! Certains Hall of Famers, Major Leaguers comme Roger Hornsby ou Smoky Joe Wood furent "toppers".

 

Ces équipes de Bloomer Girls, comme nombre d’équipes « originales » de l’époque, voyagent pour affronter un jour le club amateur local, le lendemain une équipe semi-pro et, avec le temps, certaines réaliseront même des tournées internationales au Japon, à Cuba ou encore en Australie, jouant contre les équipes masculines locales. L’une d’elles, les fameuses Philadelphie Bobbies (Philadelphie fut très prolifique en équipes d’un genre nouveau) partirent en tournée au Japon en 1925. Assistées de deux renforts masculins ayant joué dans la Big League, elles devaient initialement jouer 15 rencontres contre des équipes universitaires masculines pour 800 dollars par match. Mais leur faible niveau de jeu face aux japonais (leur première victoire fut remportée contre une équipe d’acteurs japonais) et la baisse d’affluence aux matchs conduisirent les sponsors à abandonner l’équipe, refusant de payer le voyage de retour. Les deux hommes, Earl Hamilton et Eddie Ainsmith partirent pour Formose (future Taïwan) avec quelques joueuses tandis que le reste de la troupe se retrouva bloquée, sans argent, dans Kobe. Elles ne durent leur salut qu’à la pitié qu’elles inspirèrent à un patron d’hôtel qui paya leur retour pour Seattle.

D’autres Bloomers Girls jouaient pour le plaisir ou des oeuvres de bienfaisance, reprenant dans certaines villes les noms d’équipe de Blondes et de Brunettes. Les Bloomer Girls, de manière générale, contribuèrent à développer le baseball féminin et furent, sans aucun doute, le prélude à la All-American Girls Professional Baseball League des années 40-50. D’ailleurs, les années 30 qui précèdent l’AAGPBL est une décennie faste dans le monde de la balle à couture, la petite ou la grosse. Ainsi, le softball féminin connaît une réelle expansion en terme de pratiquantes et de compétitivité, qui ouvrira la voie à l’AAGPBL, et de nombreuses joueuses pratiquent le baseball en Junior League, partent en tournée internationale ou signent des contrats dans des ligues mineures indépendantes. En 1934, la grande athlète « Babe » Didrikson lancera en match d’exhibition pour les Saint Louis Cardinals. Cependant, le seul baseball qui compte pour la nation reste la MLB et les femmes restent reléguées à un baseball de foire, de spectacle.

 

Cependant, la Seconde Guerre Mondiale éclate. Le besoin en hommes est énorme. Dans un premier temps, les jeunes talents de la Minor League sont appelés sous les drapeaux, ce qui met en danger les futures saisons puis ce sont les Big Leaguers comme Joe Di Maggio qui sont enrôlés à leur tour dans l’armée. Au final, une grande partie des joueurs des différentes ligues de la MLB partent à la guerre. À la fin de l’année 1942, l’Office of War Information annonce que les dirigeants de la MLB annulent la saison 1943, forçant les dirigeants de franchises, Philip Wrigley des Chicago Cubs en tête, à trouver un plan de secours. Ce plan sera la création de la All American Girls Softball League devenu peu après la All American Girls Baseball League puis on rajoutera le « P » pour Professional pour donner finalement All American Girls Professional Baseball League (AAGPBL). Une petite video d’époque ici.

 

Montée à la va-vite par l’assistant du manager général des Cubs, Ken Snell, à l’aide de managers expérimentés, venant parfois de MLB, la ligue va connaître un réel succès sportif et financier dès sa création en 1943, servant à remonter le moral des troupes et des ouvriers durant l’effort de guerre et survivra à la seconde guerre mondiale. Mais vers la fin des années 40, la ligue décline et finit par disparaître par la petite porte à la fin de la saison de 1954. C’est dans les années 80, après différents reportages et un film de 1992, une équipe hors du commun (A League of Their Own en VO) avec Tom Hanks, Geena Davis et Madonna, que l’AAGPBL réapparait avec splendeur dans l’histoire du baseball US, signe d’une timide fin de traversée du désert pour le baseball féminin qui durait depuis 1954, tandis que le softball était devenu le sport de battes des femmes dans le pays.

 

En 1988, est fondé à Chicago l’American Women’s Baseball Association (AWBA), première ligue organisée depuis l’AAGPBL. Dans les années 1990, l’American Women’s Baseball League (AWBL) est créé pour unifier l’ensemble des ligues féminines existantes ce qui n’empêchera pas la création de nouvelles ligues comme la Women’s National Adult Baseball Association en 1994 (qui regroupe actuellement près de 2000 équipes) ou la Ladies League Baseball en 1997, première ligue professionnelle féminine depuis 1954 (qui durera deux ans). Le baseball féminin possède son Hall of Fame depuis 1998 à Chevy Chase dans le Maryland. 

 

Et qui dit Hall of Fame dit grandes joueuses, personnalités exceptionnelles et petites histoires. Vous découvrirez donc dans les prochains article de cette quadrilogie féminine, quelques unes de ces femmes qui ont fait l’histoire du baseball, avec quelques coups d’éclats mais surtout beaucoup de coups durs !

 

Quelques photos pour finir…

 

 

 

 

 

 

3 commentaires à “Jeu de Dames, chapitre II : Ascension et déclin du baseball féminin US.”

  1. Gaétan dit :

    Dans le prochain article j’essaierai de glisser une photo d’une japonaise en tenue d’écolière qui lance sur un monticule grrrr 😉

  2. francovanslyke dit :

    Trés bon la vidéo sur l’AAGPL. le passage sur cette joueuse qui slide extérieur au marbre démontre tout l’attrait des hommes sur le baseball féminin. quel bonheur de voir caresser cette cuisse blessée par une autre joueuse… camera coquine non !!!

  3. francovanslyke dit :

    Ah trés trés bon article; Lahuppe m’avait parlé un soir de cette tournée de filles perdues au Japon ; « lost on tour » ! Il y avait déjà le titre, hélas lahuppe s’empressa de finir sa bière et d’avoir une autre idée…. il y a quelques détails qui méritent d’être encore examinés sur cette tournée et si on a le courage, on y reviendra dessus. En tout cas les tenues de l’AAGPL sont superbes mais mon coeur balance avec la dernière photo : le combo jupettes, baskets adidas avec batte louisville c’est également la grande classe.

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