La Dead Ball Era

Qu’est-ce que la Dead Ball Era ? Oui, qu’est-ce que la période dite de la "balle morte" ?

Non, ce n’est pas le nom d’une mauvaise expérience spatiotemporelle. Sur Honus, on cause baseball, comme d’hab. La Dead Ball Era, c’est le nom d’une période du baseball professionnel durant laquelle le baseball pratiqué était bien différent, surtout comparé à celui d’aujourd’hui.

Lorsque on regarde jouer des Alex Rodriguez, des Prince Fielder ou des Ryan Howard, on s’attend à voir des HR à la pelle : les fans de baseball sont d’ailleurs ravis par ce type d’exploit mais le baseball n’a pas toujours été ainsi. Loin de là. Les afficionados du baseball ancien vous diront même que ce baseball d’aujourd’hui basé sur la puissance n’est pas intéressant.

Revenons donc aux débuts du XXe siècle et la période dite de la « Dead Ball Era », une période qui va des années 1900 à 1918.

Durant cette vingtaine d’années, des lanceurs exceptionnels comme Cy Young (Boston Red Sox), Christy Mathewson (New York Giants – en photo) ou Walter Johnson (Washington Senators) verrouillèrent le jeu et dominèrent outrageusement les frappeurs de cette époque.

Mathewson

Avec peu de points marqués, le baseball de ces années là est basé essentiellement sur la vitesse et la stratégie, bien plus que les frappes de puissance d’un cleaner. D’ailleurs, il n’y a pas de véritable power hitter à cette époque. Entre 1900 et 1920, sur 13 saisons, le meilleur cogneur de HR a frappé moins de 10 HR pour 160 matchs ! Frank Baker, le 3e base des Philadelphia A’s, fut d’ailleurs surnommé Frank « Home Run » Baker parce qu’il avait frappé pas moins de 2 HR lors des World Series de 1911. Pour info, l’un des rares cogneurs de la période se nomme Clifford Carlton "Gavvy" Cravath (surnom hérité parce qu’il avait tué une mouette avec une de ses frappes lorsqu’il jouait dans les ligues mineures de la Californie, et comme en espagnol, une mouette se dit « gaviota »…).

C’est peut être la saison de 1907-1908 qui est la plus caractéristique de la Dead ball Era. L’ensemble des Chicago White Sox frappe 3 HR pour toute le saison, ce qui n’empêche pas les White Sox d’être très compétitifs (88 victoires pour 66 défaites), soit 2nd derrière les Detroit Tigers dans l’American League.

Durant cette période, c’est les Detroit Tigers qui furent lors des années 1907-1908-1909 la grande équipe, menée par le dément Ty Cobb, le teigneux outfielder et certainement le meilleur joueur des années 1900-1920. Beaucoup de points marqués, beaucoup de Hits, beaucoup de vols et d’agressivité sur les courses.

Par ailleurs, de nombreux joueurs frappaient plus de 20 triples sur la saison, et l’Outfielder des Pirates de Pittsburgh Owen Wilson détient aujourd’hui encore le record de 36 triples, réalisé en 1912. Le record de 309 triples réalisé à cette époque par un autre Outfielder des Pirates Sam Crawford tiendra certainement encore longtemps.

Ty Cobb 1914

Même les moyennes à la frappe ne sont guère fantastiques à cette époque. Hormis les frappeurs comme Honus Wagner ou Ty Cobb, les moyennes sont même assez basses.

En 1909, si Ty Cobb des Tigers de Detroit gagne le titre de meilleure moyenne avec .377 (il gagne le titre chaque année de 1907 à 1915), c’est l’arbre qui cache la forêt !

La moyenne de l’ensemble des frappeurs des deux ligues est de l’ordre de .245 durant cette période, et de .239 sur 1908, avec un slugging de .300 et un ERA inférieur à 2.4 points par match.

La carrière de Bill Bergen illustre bien ce baseballl. Bergen, qui fut l’un des très bons receveurs de cette époque, a joué 11 ans pour les Cincinatti Reds et les Brooklyn Dodgers, a eu pour moyenne .139 sur la saison 1907, ce qui ne l’empêcha pas d’être l’indiscutable titulaire dans son équipe, et avoir en carrière plus de 3000 passages au bâton. Non, le baseball de cette époque ne misait pas sur le bâton !!

Sans puissance, les équipes jouaient forcement plus tactique. Dés qu’un frappeur atteignait la 1e base, c’était un bunt sacrifice commandé au second joueur, ou un hit and run.

D’ailleurs, le jeu était différent : les terrains étaient loin d’être des billards, les gants (qui sont apparus à la fin du XIXe siècle) étaient assez rudimentaires, et les erreurs en jeu étaient encore fréquentes. Il arrivait ainsi que sur le vol de la 2e base, le relais du receveur partait pour le champ, et le coureur arrivait finalement en 3e base. L’essentiel pour les managers de cette époque était d’ailleurs de construire une bonne défense.

Double play

Quelques historiens ont avancé certaines raisons pour expliquer l’apparition de ce baseball sans point ni puissance :

1) D’une part, le baseball de cette époque digère encore les nouvelles règles adoptées au tout début du XXe siècle. En effet, entre 1870 et 1900, la règle du Foul Strike n’existait pas : donc tout ce qui était frappé en dehors du terrain ne comptait jamais pour un strike. L’absence de cette règle pénalisait fortement les lanceurs, et avantageait bien évidemment les frappeurs. En 1901, la National League adopte le nouveau règlement du Foul Strike, suivi en 1903 par l’American League. Désormais, comme aujourd’hui, les balles frappées en "Foul ball" comptent jusqu’à 2 strikes. C’était la fin d’une époque et de l’emprise des batteurs sur le jeu.

2) D’autre part, on surnomme cette époque la Dead ball Era en raison des balles employées : la balle était utilisée jusqu’à qu’elle soit "morte", soit plus du tout utilisable ou perdue. Plus lourde qu’aujourd’hui, proche d’une balle de cricket, une même balle était souvent lancée plus de 100 fois dans une partie. Or manifestement, de l’avis des techniciens de laboratoire et autres professeurs savants, une balle endommagée voyage moins loin dans les airs lorsqu’elle est frappée. En tant que joueur, on l’a également constaté. On frappait donc pour le simple, le double mais rarement pour le HR.

3) Enfin, la domination des pitchers depuis le début du baseball professionnel peut s’expliquer par l’existence d’un lancer : la spitball.

Il était en effet permis aux lanceurs de cette époque de lancer des spits balls. Bref, le lanceur crachait son jus de tabac chiqué sur la balle avant de lancer. C’était le moyen de gagner un peu plus d’effet sur les courbes et autres slider, qui d’ailleurs gardaient des vitesses semblables à celles d’aujourd’hui. Le tabac en salissant la balle handicapait de plus la vision du frappeur et donc ses chances de réussite. Pour achever le frappeur, il était assez fréquent que les lanceurs trichent en frottant la balle avec du papier de verre. Un moyen utilisé pour que la balle plonge un peu plus en arrivant sur le frappeur. Bref, le frappeur n’était pas vraiment avantagé.

1918 marque la fin de la Dead ball Era. En effet, 1918 marque l’émergence d’un joueur d’exception, le premier slugger du baseball qui va exploser toutes les statistiques et transformer la nature même du jeu : beaucoup plus de HR, plus de points, et finalement plus le même jeu. Ceux qui suivent auront bien sur reconnu Babe Ruth.

Un baseball bien plus offensif va alors être pratiqué par les professionnels, surnommé par les spécialistes la « Live Ball Era ». Babe Ruth, tel un extra terrestre, va fracasser tous les records : en seulement 3 années de carrière, le Babe va égaliser les records historiques des ligues en nombre de Home Runs frappés en carrière.

Au-delà de la dimension et de l’impact d’un joueur, certaines évolutions techniques ont également modifié la donne et le jeu :

De nouvelles balles sont adoptées en 1921, plus légères et plus aérodynamiques. Les balles frappées voyageront plus loin.

Un accident va être également à l’origine d’une transformation profonde du jeu. En 1920, au Polo Grounds, Carl Mays, (en photo) le lanceur submarine des New York Giants touche à la tête Ray Chapman, le short stop des Cleveland Indians.

Carl Mays

Carl Mays est connu pour être un "headhunter", soit un lanceur qui lance souvent intérieur et haut afin d’impressionner le batteur. Mais là, c’est le drame : Le frappeur s’effondre et décèdera 24 heures plus tard à l’hôpital. Ce décès choqua l’opinion publique et entraîna l’adoption d’une nouvelle règle : toute balle lancée qui touche le sol devra être sortie immédiatement du jeu et remplacée par une balle neuve.

Enfin, les lancers Spit Ball sont désormais interdits par la ligue. Cette interdiction se fera néanmoins en deux temps.

Dans un premier temps, lors de la saison 1919, chaque équipe a droit à un seul lanceur de spitball dans son bullpen. Après 1920, certainement suite à l’accident de Ray Chapman, la spitball est déclarée interdite.

Mais la ligue autorisa exceptionnellement les lanceurs vétérans à finir leur carrière avec leur lancer qu’ils contrôlaient parfaitement. 17 pitchers continuèrent ainsi à la lancer comme Doc Ayers (jusqu’en 1921); Ray Caldwell (1921); Stan Coveleski (1928); Bill Doak (1929); Phil Douglas (1922); Red Faber (1933); Dana Fillingim (1925); Ray Fisher (1920); Marv Goodwin (1924); Dutch Leonard (1925); Clarence Mitchell (1932); Jack Quinn (1933); Allen Russell (1925); Dick Rudolph (1927); Urban Shocker (1928); and Allen Sothoron (1926). Le dernier lanceur fut Burleigh Grimes (qui sera élu au Hall of Fame en 1964) qui s’arrêta à la fin de la saison 1934 !!

Interdire la spitball diminua ainsi l’avantage des lanceurs et favorisa l’éclosion d’un baseball plus offensif.

Aujourd’hui lorsque les journalistes parlent de la « Dead ball Era », c’est synonyme d’une équipe bien faible au bâton, et d’un baseball peu offensif où il est marqué peu de points. Mais c’est un peu vite oublier l’existence d’un baseball différent basé sur les courses, les bunts et les hit and run. Un baseball qui sera largement pratiqué par les Negro Leagues jusque dans les années 50… mais ceci est une autre histoire…

Pour finir, une belle video montage des années de la Dead Ball Era récupérée sur youtube.

 

4 commentaires à “La Dead Ball Era”

  1. francovanslyke dit :

    Reboot de l’article et toujours cette vidéo avec la musique du film « le meilleur » qui est un hommage à ce baseball pourtant plus ancien que la période décrite (les années 40, soit les glory days du baseball américain et new yorkais)

  2. francovanslyke dit :

    Non mais desfois ça m’hallucine un peu. « quand t’es dans le désert depuis trop longtemps…. »

  3. Beru dit :

    T’as quand même mis 3 ans et demi &agrave: t’en apercevoir ???

  4. francovanslyke dit :

    Un bien bel article qui est passé dans l’indifférence de nos fidèles lecteurs : pas un seul commentaire !