Jeu de Dames, chapitre III : Les pionnières avant 1945.

Troisième et avant dernière partie de notre histoire du baseball féminin qui sera consacrée… aux femmes ! À celles qui ont œuvré pour son histoire, les pionnières, dont les aventures dépassent bien largement la seule histoire du baseball féminin américain puisqu’on abordera ici le baseball masculin, celui du Show, mais aussi la grande histoire des femmes, de la lutte pour leurs droits et de leur représentation au sein la société. Ci-dessous, les pionnières de la fin du XIXème siècle à la Seconde Guerre Mondiale.

 

Chaque histoire est parsemée de noms, qu’elle soit réelle ou inventée, que nous lisions un livre d’Histoire ou un livre d’histoires. Ces noms renvoient à des personnes ou à des personnages. Ils nous font rêver ou nous les craignons. Ils font avancer l’histoire, modestement ou à grands pas. En tout cas, ils ne laissent pas indifférents. Les femmes dont nous allons évoquer les noms, leurs faits d’arme et parfois même leurs faits de résistance, ont fait rêver, ont été craintes, ont permis au baseball féminin d’avancer petit à petit et parfois de faire de grandes avancées. Et elles nous vous laisserons pas indifférentes.

 

Dans un article précédent, j’ai rapidement évoqué l’importance de Philadelphie dans le développement du baseball féminin. Pas étonnant alors que la première femme professionnelle apparaisse dans une équipe masculine de cette ville, les Philadelphia Réserves lors d’un match en juillet 1898 pour la somme de 100$ la semaine. Elle se nomme Elizabeth Stroud alias « Lizzie Arlington ». Ce jour là, elle lancera 4 manches, donnant six hits et 3 points non mérités. Elle jouera le reste de la saison à Reading en Atlantic League. Elle lancera encore quelques matchs avec des équipes masculines avant de rejoindre, quelques années plus tard, des équipes de Bloomer Girls.

 

Peu de temps après, en 1904, une nouvelle étape est franchie avec Amanda Clement qui devient la première femme arbitre de baseball amateur puis professionnel. Amanda Clement, qui vivait dans le Dakota du Sud, jouait au baseball dans l’équipe de son frère Hank et de son cousin Cy Parkin quand celle-ci manquait de joueurs. Un jour, alors qu’un match devait opposé l’équipe locale à une équipe venu de Canton, aucun arbitre ne se présenta et Clement se chargea d’officier. Elle était une athlète accomplie. Elle jouait au baseball, au basketball, faisait de la gymnastique ou de l’atlhétisme où elle possédait des records en saut en hauteur et courses de haies. Mais son plus étonnant record, mondial cette fois-ci, était en baseball. Elle possédait le record de distance pour un lancer de baseball par une femme : 197 feet en 1907 puis 275 feet en 1912.

 

Durant six années, elle arbitra des matchs amateurs ou professionnels sans jamais arbitré au niveau d’une vraie ligue professionnelle. Elle voyagea beaucoup pour exercer sa fonction et était devenue une arbitre très respectée, que ce soient des joueurs, des coaches ou de la presse, notamment pour sa grande connaissance des règles. Ce qui n’était pas du goût de tout le monde. Ainsi, elle devait officier pour une série de matchs à Oaks au Dakota du Nord. Le premier jour, elle officia derrière le marbre alors qu’un homme arbitrait sur base. Le jour suivant, les supporters de l’équipe locale souhaitèrent que l’arbitre masculin parte et que la jeune femme arbitre seule. Ils firent même une collecte et donnèrent 15 $ à l’arbitre masculin pour le faire partir. Elle atteint un tel degré de compétence et de respect qu’elle se vit proposer d’arbitrer un match de Major League par les présidents de la ligue Ban Johnson et Harry Pulliam (sans que l’on sache si cela se fit). Proposition incroyable quand on connaît la situation des arbitres féminines en Minor League. Nous y reviendrons.

 

L’année où Amanda Clement battit son propre record du monde, naissant Edith Houghton… à Philadelphie… encore. Dès son plus jeune âge, Edith Houghton fut une dingue de baseball, mascotte des équipes de baseball de la Police de Philadelphie avant de rejoindre les Philadelphia Bobbies de Mary O’Gara en 1922… à l’âge de 10 ans. L’équipe était alors ouverte aux jeunes filles de 13 à 20 ans. A 13 ans, elle joue short-stop dans l’équipe et en est déjà la star. Nous sommes en 1925 et la jeune Edith va participer à la tournée de l’enfer des Philadelphia Bobbies au Japon (où son talent fera mouche tandis que le niveau de l’équipe est lui critiqué. Voir l’article précédent sur cette incroyable aventure). Houghton ressort amère de cette histoire mais elle va continuer à vivre pleinement sa passion au sein de différentes équipes de Bloomer Girls et à toutes les positions.

 

En 1932, elle passe des essais chez une équipe semi-professionnelle, les Fisher A.A’s, qu’elle réussit, s’imposant au poste de 1ère base. Une gageure à une époque où les femmes disparaissent du baseball, poussées vers le softball, sport convenant plus à une femme… selon les hommes. Puis arrive la Seconde Guerre Mondiale et Houghton s’engage dans un corps féminin de l’US Navy. Elle y joue dans une équipe de baseball et frappe pour .800, ce qui lui vaut une mention élogieuse dans le journal de la Navy. A l’issue de la guerre, et devant le peu d’avenir pour une joueuse de baseball féminin, Edith Houghton approche Bob Carpenter, le propriétaire des Philadelphia Phillies et offre ses services pour devenir scout (recruteur) de la franchise. Carpenter accepte et Edith Houghton devient dès lors la première femme scout de la Major League.

 

En revanche, la première femme a joué pour une équipe de MLB fut Elizabeth « Lizzie » Murphy. C’était le 14 août 1922 lors d’un match de charité destiné à aider la famille d’une personnalité sportive locale récemment décédée. Le match mit aux prises à Fenway Park les Boston Red Sox face à une équipe All-Stars de l’American League, ces derniers remportant la partie 3 à 2. Lizzie Murphy, qui joua 1ère base lors de la rencontre pour une performance louée par la presse, fut invitée car elle était une joueuse connue et reconnue dans la région de Boston. Elle avait déjà une solide carrière derrière elle de joueuse professionnelle dans des équipes masculines. Dès 18 ans, elle jouait en semi-pro dans une ligue industrielle pour son usine, la Warren Shoe Company. Les matchs se jouaient le samedi. Lors de son premier match, la collecte effectuée permis de récupérer 85$ de recettes. Le manager de l’équipe distribua l’argent aux joueurs sauf à Murphy. Elle ne dit mot et attendit le samedi suivant. Après le match, elle refusa de monter dans le bus tant que le manager ne serait pas d’accord de répartir les gains des matchs à tous les membres de l’équipe, y compris elle, plus une taxe de 5 dollars par match qu’elle jouerait. Lizzie devint alors la première femme à s’opposer et tenir bon dans une négociation salariale de l’histoire du baseball.

 

Toujours à 18 ans, Murphy faillit arrêter le baseball, les femmes ne pouvant passer pros selon les mœurs de l’époque. Mais trop passionnée, elle persévéra jusqu’à obtenir une place au sein d’une importante formation masculine de Nouvelle-Angleterre, les Providence Independents puis une équipe pro nationalement connu de Boston, les Carr’s All-Stars. Boston était une place importante du baseball professionnel non affilié à la MLB. L’équipe de Murphy se déplaçait jusqu’au Canada pour jouer des matchs. Durant une rencontre, une équipe québécoise se fit retirée 5 coureurs qui tentèrent de voler une base. En effet, ils ne savaient pas que Murphy était la fille d’une canadienne francophone et que donc elle parlait couramment le français. Comprenant la langue et la stratégie du coach de 1ère base, elle mit en place avec le lanceur et le catcher un code pour éliminer les coureurs. Lizzie Murphy était également une professionnelle de la communication et n’hésitez pas à faire coffectionner des cartes pour s’auto-promouvoir qu’elle vendait sur un stand lors des matchs ce qui lui assuré un revenu supplémentaire de 50$ en plus de son salaire. Elle joua 17 ans pour les Carr’s All-Stars, devenant le mentor des jeunes joueurs arrivant des l’équipe, avant de se retirer et de se marier à 43 ans avec un employé de la Warren Company.

 

L’autre femme a avoir joué pour une équipe de MLB fut Mildred Ella « Babe » Didrikson au printemps 1934 pour le compte des Philadelphia Athletics contre les Cleveland Indians durant un match d’exhibition puis d’autres matchs d’exhibition contre les Saint Louis Cardinals ou les Indians encore durant le printemps. Si Babe Didrikson eut droit à ces honneurs, c’est parce qu’elle fut l’une des plus grandes athlètes des années 30, doubles médaillées d’or (plus une médaille d’argent) en athlétisme aux JO de 1932 à Los Angeles avec en prime deux records du monde aux 80 mètres haies et au lancer du javelot. Excellent dans tous les sports qu’elle pratiquait, dure à l’entrainement, elle joua au baseball après les jeux olympiques pour l’équipe israélite House of David. C’est là qu’elle prend son surnom de « Babe » (en référence à Babe Ruth) en cognant 5 Home Runs durant un seul match. Par la suite, elle s’orientera vers le golf où elle excella de nouveau bien qu’elle eut quelques soucis au début. Ayant joué en « professionnelle » pour House of David, on lui refusa un temps l’accès aux tournois amateurs de golf sous prétexte qu’elle était une sportive pro.

 

3 ans avant que Babe Didrikson lance pour une équipe de MLB, Jackie Mitchell lança, elle, contre une équipe de MLB. Et pas n’importe quelle équipe, celle du grand Babe Ruth, Les Yankees de New York. Jackie Mitchell fut initiée très tôt au baseball par son père et son voisin. Ce dernier, dont son fils était devenu l’ami de la petite Jackie, lui appris même à lancer sa Drop Ball. Il se nomme Dazzy Vance, Major Leaguer et futur Hall of Famer. Mitchell joue à 17 ans pour une équipe féminine de Chattanooga dans le Tenessee. Elle se fait remarquer par Joe Engel -surnommé Barnum Joe en raison de ses multiples innovations-, le propriétaire d’une équipe professionnelle de baseball évoluant en Minor League AA, les Chattanooga Lockouts. Mitchell devint alors la deuxième femme a signé un contrat professionnel après Lizzie Arlington et la deuxième a joué contre une équipe de MLB après Lizzie Murphy. La réputation de Mitchell l’ayant précédé, de nombreux clubs voulurent la racheter ou l’échanger à Engel. Le 2 avril 1931, un match d’exhibition met aux prises l’équipe de Mitchell et les Bombardiers du Bronx. Avant le match, la presse interviewe Mitchell et Babe Ruth. La première déclare qu’elle peut mettre Babe Ruth strike-out. Le Bambino est lui très septique sur les femmes dans le baseball : « Je ne sais pas ce qui va se passer si on commence à laisser les femmes dans le baseball. Bien sûr, elles ne feront jamais rien de bien. Pourquoi? Parce qu’elles sont trop délicates. Cela les tuerait de jouer tous les jours ».

 

Dès la première manche, le lanceur partant de Chattanooga, qui a joué un peu en MLB, donne un double et un simple et les Yankees mènent 1-0 avec un coureur en première et zéro mort. Le manager des Lockouts décide alors de faire rentrer Mitchell pour affronter… the Babe. Mitchell, nerveuse mais concentrée, lance tandis que le coureur Lyn Lary vole la seconde base, et Ruth swingue dans le vide. Puis Mitchell lance deux balles avant de faire swinguer de nouveau dans le vide le grand Babe. Le compte est de 2-2. Nouveau lancer que regarde passer Ruth mais l’arbitre appelle le strike-out. Le grand Babe Ruth strikeouté par une femme ! Il quitte la boîte du batteur le regard noir envers l’arbitre et balance sa batte dans le dugout de rage. Après cela, c’est à Lou Gehrig de passer au bâton et de se faire sortir par trois strikes d’affilée. Elle donnera ensuite une base au prochain batteur, Tony Lazzeri, et sera remplacé par le lanceur partant. Mais elle aura démontré qu’une femme pouvait affronter les meilleurs. Cependant, le Juge Landis, premier commissaire de la MLB, dénoncera et annulera le contrat de Mitchell, estimant que les femmes doivent être bannies des compétitions de baseball. La talentueuse lanceuse n’aura donc jamais l’occasion de démontrer tous ces talents au haut niveau. Par la suite, elle jouera dans différentes équipes professionnelles de basketball ou de baseball, dont House of David. Elle jouera une nouvelle fois contre une équipe de Major League, les Saint Louis Cardinals et mettra strikeout un jeune short-stop, futur Hall of Famer, Leo Durocher. Voyant le peu d’avenir pour une femme dans le baseball, elle se retirera des terrains en 1937.

 

 Bientôt, les aventurières de la deuxième moitié du XXème siècle.

 

3 commentaires à “Jeu de Dames, chapitre III : Les pionnières avant 1945.”

  1. yann dit :

    bel article bravo !

  2. francovanslyke dit :

    dans un prochain article, une photo de didrickson en charmante compagnie : avec des barbus, version zztop.

  3. francovanslyke dit :

    Trés bon 3e article Mister Gaetan ! Je note que le juge Landis est un gars véritablement borné. Raide comme la justice, l’assassin des black sox était manifestement un gars qui n’aime pas la nouveauté : exclusion des femmes et des noirs, grande classe…..

    Sinon, je souhaiterai recruter Didrikson à la fantasy !

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