Vers une évolution des Line Ups en MLB ?

 

Le téléspectateur curieux aura constaté que la MLB connait depuis cette saison certaines évolutions notables dans l’évolution du line up et des joueurs choisis. Honus, toujours aussi rapide, revient sur cette mode et ce qui présage peut être d’une véritable évolution dans le jeu du XXIe siècle, en tout cas sur la gestion des spots 1 et 2. L’avis du Professor Van Slykov sur le sujet sur ces Line ups qu’on peut qualifier de Mutants ! 

Pour peu qu’on se soit intéressé sérieusement au baseball, la construction d’un line up obéit à certaines règles dégagées au fur et à mesure de l’évolution du jeu et qui peuvent paraître aussi immuables que logiques. 

Connu pour être un frappeur discipliné avec un bon œil, le leadoff doit arriver sur base par tous les moyens (que ce soit avec un hit, un bb voire un hbp). C’est la moyenne sur base qui est la statistique fondamentale pour ce poste. Pendant très longtemps, ce leadoff devait combiner rapidité de course avec une bonne moyenne au bâton. Le prototype du leadoff idéal, c’était des joueurs comme Lou Brock, Tim Raines, Ichiro Suzuki ou Rickey Henderson qui ont volé de multiples bases et qui une fois arrivé en première base volait la seconde. Le leadoff voleur de bases, voilà un principe sacré du leadoff.

Rickey Henderson leadoff de légende

Suit le batteur n°2, un frappeur dit « de contact », qui doit pouvoir exécuter un hit and run ou placer un bunt. Tout frappeur n°2 en baseball japonais exécute un bunt sacrifice pour que le leadoff soit en 2e base, prêt à scorer sur la frappe des batteurs 3 ou 4. Il est donc important que le 2e frappeur sache frapper « derrière le coureur » soit vers le champ droit. Les coachs préféraient début du XXe siècle un frappeur 2 gaucher pour éviter un double jeu et frapper vers le champ droit et permettre au lead off d’arriver en 3e base. Par exemple, Tony Gwynn, Ryne Sandberg, Curt Flood ou Robin Yount ont été des très bons frappeurs 2 dans l’histoire de la MLB.

Les frappeurs 3 et 4 sont censés être les meilleurs frappeurs de l’équipe, le 3e qui allie généralement grosse moyenne et puissance, le 4e qui est censé être le « clean up », soit frapper avant tout pour la puissance et le double, voire le home run. Les batteurs 3 -4 -5 du line up sont considérés comme le « Cœur du line up », les frappeurs sur qui on compte pour marquer des points. Babe Ruth , Ted Williams, Albert Pujols, McCutchen, Ken Griffey Jr, Mike Trout sont de grands frappeurs 3. Lou Gehrig, David Ortiz, Ryan Howard, Jose Canseco ou Prince Fielder sont de grands frappeurs 4.

Le reste du line up 5, 6 étant des frappeurs censés rentrer des points (Les « RBI Men ») et les 7- 8 -9 souvent les joueurs réputés pour leur défense mais pas pour leur apport au bâton, souvent short stop, catcher et lanceur.

Cette logique permet de scorer le plus de points possibles, parce qu’elle est censée donner plus d’at bats aux meilleurs joueurs et rentabiliser au mieux une bonne frappe pour rentrer le plus de coureur sur bases.

Ce schéma a été remis un peu en cause il y a quelques années en 2008 par des coach comme Tony La Russa, qui plaçait leur lanceur en 8e position et non en 9e, considérant que le 9e était comme un leadoff bis (à lire sur ce sujet les liens 1 et 2 ).

Mais ces évolutions relevaient plus du détail que de la franche remise en cause. Aujourd’hui la tendance est à une franche évolution du poste.

Même s’il existe encore des leadoffs type comme Dee Gordon des Miami Marlins ou Billy Hamilton des Reds, capables de voler 60 bases en saison, pas mal de coachs en MLB placent désormais un frappeur puissant en leadoff, voire leur meilleur frappeur. 

Placer le meilleur frappeur (entendu comme celui qui cumule meilleure moyenne et puissance) en leadoff  avait été déjà pensé par Bobby Bragan lorsqu’il coachait les Pirates de Pittsbugh en 1957. Mais ce schéma tend à se généraliser désormais.

En AL, les Cleveland Indians ont placé Jason Kipnis ainsi en premier frappeur dès la saison dernière, et sa réussite au spot a fait de Jason Kipnis un joueur élu au All star game 2015. Les Indians ont aussi utilisé le puissant Carlos Santana, catcher de formation, en leadoff en 2016.

Du côté NL, l’un des meilleurs lead off du jeu aujourd’hui est certainement Matt Carpenter le 3e base des Saint Louis Cardinals. Les Astros de Houston ont désormais placé George Springer en leadoff courant du mois de mai 2016 et cela leur réussit puisqu’ils sont bien revenus dans la course.

Matt Carpenter leadoff 2016

Or ces joueurs frappent de nombreux home runs (28 HR pour la saison 2015 pour Carpenter et déjà 21 HR pour Springer pour cette saison 2016 ) et ressemblent plus à des batteurs 4 de type « clean up ».

Surprenant, Dee Gordon ayant été rattrapé par la patrouille, les Miami Marlins ont dû chercher un nouveau leadoff et ont même utilisé leur catcher J. R. Realmuto, pas spécialement un coureur rapide en leadoff également au mois de mai 2016 ! Et en 16 matchs au poste de leadoff, le puissant Realmuto aura frappé pour une moyenne de .343 avec 13 points marqués, 3 doubles et 3 vols de bases, ce qui est fort respectable. 

De même, les Blue Jays de Toronto ont placé Jose Bautista, 35 ans et l’archétype du slugger, au spot de leadoff le 20 mai 2016. Bautista n’est point le lead off idéal au regard de son profil, et il est plus connu pour ses grosses frappes et ses « bat flips » que pour sa discipline.

Line up des Jays du 20 mai 2016 : Cherchez l’erreur…

Mais la raison de ce choix était très particulière : l’objectif était de relancer Bautista sur sa concentration à être utile à l’équipe et non chercher toujours à la sortir. Il faut savoir que Bautista a une moyenne en carrière de plus de. 350 au poste de leadoff,  alors qu’il n’a une moyenne de .267 s’il joue ailleurs dans le line up, recherchant plus la grosse frappe au détriment de l’efficacité.

José "le flip bat" Bautista

La MLB tend ainsi à placer son meilleur frappeur au poste de lead off, et qu’importe s’il frappe fort et peut sortir la balle alors qu’il n’y a personne sur les bases, l’important c’est qu’il marque le premier point.

Le deuxième frappeur longtemps considéré comme un joueur de contact, souvent « sacrifiable » dans l’intérêt de l’équipe est en train également de disparaître des radars de la MLB.

Les Pirates de Pittsburgh placent désormais leur meilleur frappeur et MVP 2013 McCutchen en frappeur 2 et plus au 3e rang. Clint Hurdle, le coach des Pirates, considère même que la tradition du 3e frappeur constitue un véritable handicap et que le jeu doit évoluer. Il est clair que la perte de frappeur puissants comme Neil Walker ou Pedro Alvarez à l’inter saison 2015-2016 a conduit Clint Hurdle à beaucoup réfléchir.

Le Mac : Batteur 2 ou 3 ?

Et pourtant, Mc Cutchen a été MVP au 3e rang des Pirates. Mais Hurdle considère qu’en plaçant son frapper star en batteur n°2, il ira plus souvent sur base et fera marquer plus de points que s’il était batteur 4 en tant que producteur de RBI. Et surtout, l’avoir en frappeur 2 permet d’éviter le très mauvais scénario d’avoir un batteur 3 qui passe au bâton avec 2 outs et donc personne en bases. Hurdle s’est ainsi rendu compte que Mcutchen s’était quand même retrouvé dans cette situation pas moins de 158 fois durant la saison 2015. Il est vrai que l’apport du batteur 3 dans ce schéma est alors nul alors qu’en frappeur 2, ce schéma n’existera pas, en tout cas pas lors de la première manche. Le frappeur 2 frapperait donc plus utile que s’il est en 3e position.

Mike Trout, certainement le meilleur joueur de la MLB, a frappé aussi au deuxième rang lors d’une partie de la saison 2014 chez les Angels. 

Psychologiquement, placer le meilleur joueur en batteur 2 peut être le signe d’une grande agressivité au bâton. L’évolution dans l’ordre du line up que ce soit le premier ou le second frappeur obéit à mon sens à la même évolution : il devient essentiel de faire rentrer le premier point et mettre la pression sur la défense adverse très rapidement.

Cette évolution des line ups est aussi le reflet de la disparition de la vitesse et du vol de bases comme arme offensive. On ne peut que constater à quel point tous les nouvelles générations de joueurs en MLB sont désormais très puissantes au bâton. Cette évolution des profils entraîne une évolution des stratégies de jeu. Le meilleur joueur de l’équipe doit être le leadoff et il aura ainsi le plus de chances d’aller le plus souvent en bases, ce qui est une théorie qui se défend également. On verra si le schéma évolue sur la saison et s’il connait le succès escompté.  

Sources : 

Si cela vous intéresse, à lire également sur le sujet

http://www.si.com/vault/2013/06/10/106332813/the-case-for–batting-your-stud-second

http://espn.go.com/blog/jayson-stark/post/_/id/1571/by-mulling-moving-mccutchen-the-pirates-are-re-thinking-big

http://www.tsn.ca/the-jose-bautista-leadoff-experiment-1.498122 

Crédits Photos 

Mc Cutchen L’équipe

Bautista Getty Images 

Matt Carpenter Fox sports 

Rickey Henderson Getty Images

 

 

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