L’incident du Pine Tar


Retour sur un vrai pétage de plomb dans un match MLB. Celui de Georges Brett, lors de l’incident du Pine Tar. Le Pine Tar, pour les plus incultes d’entre nous, c’est cette résine qu’on applique sur le bâton en bois pour assurer l’adhérence. Et oui, quand c’est dégueulasse, c’est qu’il y a un idiot qui a mis du Pine Tar sur le bâton !

Le 24 juillet 1983, les Kansas City Royals jouent au Yankee Stadium. Les Royals à l’époque sont menés par George Brett, l’un des meilleurs frappeurs des années 70-80 et le dernier à s’être approché des .400 en moyenne. Les deux équipes se disputent la tête de la division Est de l’American league.

 

En 9e manche, le score est de 4-3 pour les Yankees et Rich « Goose » Gossage, dit la bête sauvage est sur le monticule pour New York. 2 outs, un coureur sur base. Une rivalité existe entre les deux hommes, qui sont grosso modo les joueurs les plus craints chacun dans leur catégorie. 

Brett, des couilles en béton, annonce pourtant à un coéquipier avant d’aller au bâton « Regarde celle-là, elle va bien voler ». Il arrive au bâton et cogne le lancer haut de Gossage. Home Run ! Les Royals marquent 2 points, prennent donc l’avantage de façon quasi désespérée.

George Brett jubile et fait le tour des sentiers très lentement. Lorsque Brett arrive au marbre, Billy Fuckin’ Martin le coach des New York Yankees s’approche de l’arbitre Tim Mc Clelland et conteste le point marqué. Il demande à l’arbitre d’examiner le bâton de George Brett. Est-il trop léger ? Est-ce un bâton truqué ? Non. Seulement, il y a beaucoup de Pine Tar sur le bâton. Beaucoup trop même puisque cela dépasse la règle fixée de 10 pouces, en effet, la Rule 1.10(b) de la MLB explique qu’une batte ne peut pas être recouverte d’une quelconque substance sur plus de 18 inch.

Billy Martin, par le biais de son catcheur Thurman Manson (tous deux en photo), avait déjà repéré au début de saison que Brett utilisait beaucoup de Pine Tar et Graig Nettles le 3e base des Yankees lui avait fait remarqué que cette ancienne règle existait. Martin avait gardé l’information dans le coin de sa mémoire et a profité de ce moment pour soulever l’incident.

Les quatre arbitres commencent à inspecter scrupuleusement le bâton. C’est du jamais vu. Ils prennent la largeur du marbre comme repère (17 inch) et comparent le bâton. Effectivement, le Pine Tar dépasse la limite puisque c’est sur 24 inch que la résine s’étend !

Les arbitres discutent quelques minutes et finalement c’est Tim Mc Clelland qui prend une décision plutôt abrupte. Il pointe du doigt George Brett rentré depuis dans les dugouts, le déclare out, pour utilisation d’un bâton non-conforme et annule de fait son HR. L’arbitre déclare en conséquence la fin du match en faveur des Yankees 4-3.

C’est la stupéfaction mais rapidement c’est la colère de Brett qui éclate.

George Brett sort des dugouts et pète les plombs et court vers l’arbitre à l’origine de la décision. Ses partenaires tentent de le calmer en le bloquant. Brett complètement fou insulte l’arbitre qui prononce immédiatement son expulsion du match. Le manager des Royals tente de discuter avec l’arbitre qui ne veut rien savoir.

Comme dira un journaliste sur le moment, « C’est la première fois que je vois frapper un Game losing Home run ».  George Brett totalement désolé est à deux doigts de devenir dingo sur le terrain. Le match est bel et bien fini et Brett s’est en plus fait expulser.

La video par MLB. COM est assez énorme.

Peu de gens le savent, mais les Royals ont fait appel de la décision arbitrale. Et ils ont eu raison de le faire. Lee Mc Phail, président de l’American league, décida qu’effectivement la batte utilisée par Brett était non conforme mais que ceci n’allait pas contre l’esprit du jeu et ne justifiait pas une telle décision arbitrale.

La batte n’a pas été trafiquée pour améliorer ses capacités de percussion et gagner de la distance ou de la puissance. Lee Mc Phail et sa commission ont dû interpréter l’esprit et la motivation de la règle fort ancienne. La raison d’interdire du Pine Tar ou tout autre substance sur plus de 18 pouces est non pas d’empêcher un avantage laissé au batteur (comme l’interdiction de la spitt ball pour les lanceurs) mais tout simplement d’éviter des contacts entre les balles et la résine, ce qui rendrait les balles rapidement inutilisables. Pour Mc Phail, la batte devait donc être sortie du jeu mais l’arbitre ne devait pas éliminer pour autant George Brett. De même, le HR est tout à fait valable et doit donc compter.

L’American league ordonne qu’on reprenne donc le match interrompu.

Le 18 août 1983, le match reprend donc où celui-ci s’était arrêté. Par contre, les fans des Yankees ne veulent pas de ce match. Le stade est vide et l’ambiance demeure tendue dans les rues de New York. Le bus des Royals se prend une brique avant l’arrivée dans le bronx. Les Royals sont eux-mêmes un peu énervés de devoir revenir pour finir un match à 4 outs.
Le match va donc bien reprendre. Toujours avec 2 outs,  le HR de Brett compte pour deux points, par contre l’expulsion du jeu pour insultes de Brett et du manager des Royals est maintenue. C’est Hal Mac Rae qui passe donc au bâton. Billy Martin pour signifier son mécontentement fera jouer Don Mattingly, 1ere base gaucher au poste de seconde base. On n’avait jamais vu cela depuis Gonzolo Marques 10 ans plus tôt à Oakland. Et aucun gaucher ne joua seconde base depuis en MLB.

Billy Martin, prêt à jouer tous les tours, demande immédiatement un Time et conteste le fait que Brett n’a pas touché toutes les bases lors de son Home run. L’équipe des arbitres de ce match du 18 août n’est pas du tout celle du 24 juillet 1983, et il n’y a donc aucun moyen pour les arbitres de l’affirmer. C’était bien vu de la part du coach des Yankees, mais l’arbitre du marbre avait prévu le coup et sort une attestation des arbitres du 24 juillet 1983 qui dit que Brett a bien marché sur toutes les bases.

Concernant la fin du match, George Frazier pour les Yankees fumera Mc Rae au marbre puis c’est au tour de Dan Quisenberry pour Kansas City d’obtenir les 3 outs dans la 9e manche. Les Royals gagnent finalement et péniblement ce match 5-4. Le HR de Brett a bien compté et Gossage se prend sa défaite pour ses statistiques.

La batte est aujourd’hui exposée au Hall of Fame et fait désormais partie du folklore du baseball.

25 ans plus tard, une rencontre a réuni les deux anciens ennemis : George Brett et Goose Gossage pour discuter du « Pine Tar incident ». Pendant longtemps, l’animosité était de mise entre les deux. Goose Gossage quand on lui demandait ce qu’il pensait de Brett : “Je ne l’aime pas”.
Mais quand Goose est plus précis, il explique "Je déteste tous les frappeurs. J’ai du respect pour lui, mais je ne pouvais pas le saquer. Je ne lui ai jamais parlé et pourtant on était dans la même équipe au All Star Game. Je ne lui ai pourtant jamais adressé un mot ».

Les choses ont heureusement un peu évolué. Goose reconnaît que Brett fut le meilleur frappeur qu’il ait affronté quand il était au top de sa carrière.

Les deux se sont croisés à la fin des années 80 et ont discuté un bout. Goose a demandé à Brett un bâton pour son restaurant à Colorado Springs. George Brett lui envoya un bâton, plein de Pine Tar.

Lorsque les journalistes lui demandent s’il a laissé une dédicace sur le bâton : « Non, Goose n’en voulait pas, c’est pas son genre d’ailleurs. Si j’avais écrit quelque chose, je pense que j’aurais écrit «Au meilleur». Je le pense sincèrement. Goose était le meilleur lanceur de son époque. Personne ne voulait aller au bâton contre lui. C’était le closer le plus flippant que vous pouviez affronter. ».

Pour Gossage, « Brett fut ce jour-là l’homme le plus dingue que j’avais jamais vu.  il était même 1er, second et troisième toutes catégories confondues. Je ne pense pas que quelqu’un puisse être rendu plus fou que lui » philosophe la bête.

Peu importe que l’arbitre Mc Clelland fasse plus de 2 mètres, Brett, quand il est sorti du dugout, voulait tout simplement le buter. Brett concède qu’heureusement ses coéquipiers l’avaient arête dans son élan, vert de rage, il allait prendre un bâton pour aller discuter avec l’arbitre.
Brett explique que « sur le moment c’était trop à supporter ! J’avais frappé un HR en 9e manche contre l’un des lanceurs les plus solides, et on m’enlevait tout ça d’un coup. C’était trop ».

Brett explique qu’il a depuis bien entendu le mot « Pine Tar » un million de fois depuis l’incident. « C’est quand même dingue, vous jouez 20 ans en MLB, vous êtes 13 fois All Star, vous gagnez 3 titres de meilleur frappeur, un Gold glove, un titre de MVP, une fois les World Series, et les gens ne se rappellent de vous que ce « Pine Tar incident ».

Goose, un regret concernant cet incident ?
« Si j’avais su … Brett a finalement claqué son HR et j’ai eu la défaite et un save bousillé. A refaire, je lui aurais lancé la balle dessus ».

Goose demeure toujours un beau salopard.

Bhonus : des images et quelques rapides interviews des intéressés !

 

7 commentaires à “L’incident du Pine Tar”

  1. francovanslyke dit :

    Harold Reynolds revient sur l’usage du pine tar ! trés bon comme d’habitude
    http://mlb.mlb.com/video/play.jsp?content_id=17157619&topic_id=7417714

  2. Fishiguchi dit :

    Je l’avais oublié cet article ! C’est vrai qu’il est bon !

  3. francovanslyke dit :

    Le meilleur de toute la planète ?

  4. majordom dit :

    Le meilleur article…

Laisser un commentaire