L’effet Eephus

Non, ceci n’est pas le nom d’une nouvelle série Z fantastique, mais bien le nom d’un lancer de baseball, aussi rare que finalement bien efficace. Retour sur “The EEPHUS Pitch”, le trick pitch, un vrai « shiter liar pitch», l’équivalent d’un service à la cuieillère de Michael Chang au Tennis, bref le lancer dégueulasse dans sa plus belle définition.

Mais avant tout, des images de ce lancer par Randy Johnson en 2008.

L’EEPHUS pitch, c’est ça, un lancer sous alimenté, flottant et ayant une trajectoire « Gaussienne », tel un lancer slowpitch de Softball ; ce lancer n’a pas de rotation un peu  comme une knuckle, et constitue le lancer le plus lent qu’il se peut, qui tombe comme une pierre.

Elle porte plusieurs noms dont le fameux « Dead Fish » par le lanceur des années 1980 Dave Stieb de Toronto, « Lalob » pour Dave Laroche, ou la « Space Ball » pour Bill Lee. Il arrive encore aujourd’hui que certains pitchers la tentent comme Kaz Tadano (Nippon Ham Fighters, à voir le lien video qui étudie ses lancers eephus)  mais très rarement, car si l’effet de surprise ne fonctionne pas, c’est un très gros risque de grosse cartouche. Cela peut ridiculiser un frappeur, et le tenter sur un frappeur pro n’est donc pas sans danger.  Certains joueurs estiment même que c’est un lancer irrespectueux et qui devrait être interdit.

Ce lancer qui peut s’apparenter à un gag a pourtant une histoire. C’est Rip Sewel, un lanceur des Pirates de Pittsburgh dans les années 1930-40 qui utilisa souvent ce lancer. Pour ceux qui veulent le tenter, cette photo montre comment il faut tenir la balle.

Le nom « Eefus » viendrait du joueur de champ droit des Pirates Maurice Van Robays qui justifia le surnom du lancer ainsi « EEPHUS signifie en fait rien du tout …comme ce lancer !». Certains avancent l’idée que le mot Eephus pourrait venir de l’hébreu « Efes », qui signifie « Rien ». Sewell aimait bien ce pitch mais n’avait aucune envie ou d’idée de le baptiser et le terme eefus s’imposa donc.

Un site de passionné a établi le dessin suivant pour comprendre les différentes trajectoires.

En Rouge, c’est la fastball

En Bleu, la courbe

En Vert, c’est donc l’eephus et la Jaune serait le plus beau eephus réussi par Sewell dans un match.

Pour être plus exact, il semblerait que des lanceurs aient utilisé ce lancer depuis le tout début du baseball (comme Jack Chapman, Harry Wright, Bill Phillips ou Slab Burns) mais c’est surtout Sewell qui popularisa ce lancer. Il le tenta même en plein match du All Star Game 1946 contre Ted Williams. Le futur Hall of fame, tout juste revenu de la seconde guerre mondiale, était persuadé que Sewell allait la tenter contre lui. Ted Williams apostropha Sewell en arrivant au bâton : « Dis, tu ne vas pas me lancer ton lancer pourri ? ». Sewell lui répondit « Peut être ». Le premier lancer fut bien évidemment un eephus, que Ted swingua mais rata. Sous les applaudissements du public, Sewell un peu trop gourmand le tenta à nouveau. On entendit la foudre frapper la balle… et la balle quitta le stade.

Ted Williams avoua cependant plus tard dans un interview qu’il s’était avancé pour frapper la balle, qu’il était même sorti de sa boîte de batting, et donc qu’il aurait dû être déclaré out. L’eephus est donc un lancer efficace.

On peut retrouver pas mal de petites histoires autour du Eephus pitch. Notamment Steve Hamilton qui lança ce lancer qu’il nommait le « Folly Floater » en relève pour pas mal d’équipes dans les années 70.  En 1971, lorsque Hamilton lance pour la première fois ce lancer en National League, l’arbitre déclara le lancer «illégal», et l’avertit en ces termes : « Dites, on est pas au cirque ici, c’est la Major League, alors lance de façon sérieuse ». Tout le monde n’appréciait pas la blaque de l’Eephus pitch. Pourtant, Hamilton avait lançé l’eephus un an plus tôt pour les Yankees en American League, sans problème pour les arbitres à l’époque, mais ceci avait été à l’origine d’un incident.

Steve Hamilton faisait partie du bullpen des Yankees dans les 70’s : sur la photo c’est le premier sur la gauche !

Son duel contre Tony Horton des Cleveland Indians en juin 1970 est demeuré dans les annales. Hamilton sort Horton sur 2 lancers « Folly Floaters ». Les images video du duel : 

 

Sur les images, on devine l’ancien Yankee Stadium des années 60 avec son énorme champ centre de 463 feet coté droit. On y voit également le catcher Thurman Manson très jeune, et surtout on voit Tony Horton dépité lorsqu’il se fait sortir sur 2 lancers Eephus de suite. L’ambiance semble à la fête et au sourire dans les rangs des deux équipes. Le problème est que Tony Horton était à l’époque au fond du gouffre psychologiquement parlant et la popularité de l’incident n’a pas du arranger les choses.

Tony Horton connaissait de vrais problèmes psychologiques qui lui pourrissaient sa vie : malgré ses qualités de power hitter, il n’arrivait tout simplement pas à supporter le stress de jouer en MLB. Le joueur des Indians pétait les plombs de plus en plus souvent : par exemple, lors d’un match le 24 mai 1970, il frappe 3 HR lors d’un match contre les Yankees. Il rentre ainsi dans le club trés fermé des joueurs  ayant réussi une telle performance. Mais Horton rentre dans une rage incontrôlable lorsque son 4e passage à la batte donne un fly. Tony Horton est soigné et suivi par les médecins mais son état dépressif ne s’arrange pas.

Fin du mois de juin 1970, lorsqu’il affronte donc Hamilton et à nouveau les Yankees, c’est lui même qui réclame à Hamilton de tenter à nouveau son lancer pourri. Hamilton s’exécute  avec le sourire et Horton rate le deuxième. La balle part en pop et c’est Thurman Manson qui l’attrape. Malédiction sur Horton qui rentre sous les rires dans le dugout.

La loose de l’évènement a vraisemblablement joué sur les nerfs du joueur.

Il revient en forme pendant le mois de juillet 1970 mais suite à un slump au mois d’août, il rentre en profonde dépression. Il quitte finalement les Indians et la MLB à l’age de 25 ans, incapable de gérer le stress et débordé par l’angoisse. Bref, l’Eephus pitch peut faire des carnages.

 Moins dramatique, Bill Lee, lanceur excentrique et génial tenta le pitch à plusieurs reprises lors des World Series 1975 alors qu’il lançait pour les Red Sox de Boston contre les Reds de Cincinnati.

Les Red Sox de Boston mènent 3-0 dans la 6e manche du 7e match des World Series contre la « Big Red Machine ». Bill Lee lance alors 2 eephus pitchs de suite sur le futur hall of fame Tony Perez qui les ratent. Un peu naïf, Bill Lee tente pourtant de le lancer une troisième fois. Perez ne rata pas la 3e balle et la fracassa au-delà du Green Monster. Comme le raconte avec le sourire Bill Lee, « Je crois que la balle n’est pas encore retombée ».

Avec le Home Run de Tony Perez, c’est deux points marqués par les Reds, qui allaient remporter finalement ces World Series. On peut dire avec le recul que ce lancer a coûté les World Series à Boston. L’eephus est donc un lancer très dangereux.

On pourra donc tirer ce qui pourrait s’intituler les règles de l‘eephus :
– tromper un bon frappeur avec un tel lancer, ça fait partie du jeu
– le faire avec deux lancers, tu as beaucoup de chance si ça passe
– mais ne pas oublier une règle, ne jamais lancer 3 fois de suite l’eephus.

 

1 commentaire à “L’effet Eephus”

  1. francovanslyke dit :

    retour de la eephus en mlb en 2012 avec vicente padilla ? un débat se pose ! http://mlb.sbnation.com/2012/5/8/3007191/eephus-pitch-vicente-padilla

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