Joris Bert dans le New York Times
Pour ceux qui l’ont raté, l’article sur Joris Bert, le 1er frenchie à avoir été drafté par la MLB, que lui consacre le fameux quotidien New York Times : si c’est pas la classe, ça y ressemble.
Bien évidemment, c’est un bel article qui mérite donc largement sa place sur Honus (traduit par les membres du Baf).VERO BEACH Floride :
Le numéro 62 se pencha en avant sur un banc de fortune en aluminium, les mains posées sur genoux, tourné à l’est vers le champ centre. Si sa vue était meilleure, il pourrait voir par dessus les arbres, au delà de l’océan Atlantique, jusqu’à son pays d’origine, la France.
Le joueur, Joris Bert, fait partie des 100 joueurs intégrés dans la ligue mineure des Dodgers, mais il est assurément le seul à avoir commencé à jouer au baseball aprés avoir loupé un match de football à Louviers. Une douzaine d’années plus tard, Bert s’est retrouvé aux Etats-Unis, gentiment surnommé "Frenchie", les yeux rivés sur l’étage supérieur des ligues majeures.
"Je ne suis pas très bon mais je sais que j’ai un bon potentiel" dit Bert, champ centre qui devint, en juin dernier, le premier français sélectionné dans un draft de ligue majeure. "Je n’ai pas assez d’expérience dans le baseball pour être bon". Les Dodgers sont d’accord avec lui au sujet de l’expérience, mais rejettent l’idée qu’il "ne soit pas bon". Ils considèrent que Bert a le potentiel d’un Brett Butler, un premier frappeur avec une batte dynamique et qui tient sa force dans sa vitesse. Bien que les tours de sélection (ou draft) soient occasionnellement fantaisistes – comme ces sélections de joueurs de football US qui ont remporté le trophée Heisman ou la sélection de la fille d’un directeur général d’une équipe – un choix au 19ème tour de la part des Dodgers est tout à fait légitime pour Bert.
"Ce gars a les capacités – ce n’est pas une sélection symbolique," dit De Jon Watson, l’assistant général chargé du développement des Dodgers, "il a une chance de pouvoir faire des choses de qualité pour nous". Bert, 20 ans, est le joyau de la couronne de l’académie européenne, lancée par la MLB en Italie. Ayant grandi à Louviers, à environ une heure et demie de Paris, Bert avoue qu’il n’a entendu parler de baseball qu’à l’âge de 10 ans, quand en ressortant d’un match de football, il vit des jeunes y jouer sur le terrain d’à côté. Il s’essaya au jeu qui lui plut tout de suite et intégra un club local dans une ligue de fortune.
"Nous avions 9 ou 10 ans, nous n’étions pas beaucoup" dit Bert, "C’était juste pour le plaisir" Adolescent, Bert tenta les sélections à l’académie pour la ligue majeure et fut accepté. Il passa les mois d’août 2004 et 2005 à Tirrenia, Italie, avec environ 60 autres joueurs du Danemark au Kenya, à apprendre les meilleures techniques, encadré par des instructeurs comme Rod Carew et Barry Larkin. Il a tellement fait de progrès que le coach de l’EDF s’est arrangé pour qu’il intègre le collège Franck Phillips dans la partie la moins française des Etats-Unis – Tiny Borger, Texas, coincé entre l’Oklahoma et le Nouveau Mexique. Entre plusieurs cours intensifs d’anglais, Bert domina avec un batting average de .395 et 42 bases volées. Les Dodgers se sont focalisés sur lui en vue du draft de juin.
Bien qu’une douzaine de recrues de l’académie européenne aient signé des contrats pro, Bert, un solide gaillard d’un mètre quatre vingt et 85 kgs, fut le premier à être considéré comme un candidat potentiel au draft. Les démarches administratives pour le visa l’ont privé de la plupart de la saison dernière en Gulf Coast League, mais Bert, qui parle couramment l’espagnol, s’est bien intégré avec ses camarades internationaux. Interrogé sur l’existence d’un jeu typiquement européen chez Bert, Parker Dalton, joueur en champ intérieur et proche ami de Bert dit : "Il joue comme un gamin. Il joue, il bouscule et sourit. Vous ne le verrez jamais frustré par un problème – il ne fait que jouer. Pour l’instant, pour lui ce n’est pas un emploi" .
Huit joueurs de MLB sont nés en France, mais la plupart, comme Bruce Bochy, le manager des Giants, faisaient partie de familles de militaires stationnés sur place. Seulement deux ont un nom qui pourrait suggérer des racines françaises : Ed Gagnier, un joueur de champ intérieur dans la vieille ligue fédérale de 1914 à 1915 et Claude Gouzzie, qui a obtenu un passage à la batte pour les St Louis Browns en 1903 (donc aucun français NDLR). Bien que Bert soit bien connu dans les circuits sportifs français, il avoue que le baseball ne deviendra pas populaire du jour au lendemain. La seule possibilité de suivre les ligues majeures était de regarder des matches des Yankees sur internet. Les Français n’aiment pas le baseball. Ils pensent que c’est ennuyeux, dit Bert. "Je pense que le baseball est amusant – vous venez pour manger, parler et je pense que les Français n’aiment pas ça. Ils veulent de l’action."
Les Dodgers attendent de l’action de Bert. En plus de sa remarquable explosivité, ils l’ont vu apprendre les points particuliers de la frappe après chaque semaine passée au sein du camp et gagner sur la trajectoire spéficique des balles en cloche. Comprendre les lanceurs est devenu plus facile. Frapper les balles à effet l’est devenu aussi. "Je ne suis pas assez intelligent pour bien pratiquer ce sport" dit Bert "Je fais des erreurs – des petites choses que je ne devrais pas faire". Bert est focalisé sur l’entrée en ligues majeures dans trois ou quatre ans, mais la France lui manque. Il n’a pas de permis de conduire, dont il passe le plus de temps dans les chambres d’hôtel. Ses parents ne sont jamais venu le voir jouer aux Etats-Unis. "Ils ne comprennent pas" dit-il. Mais récemment en regardant le terrain n°6 de Dodgertown, Bert a retrouvé le sourire et ses yeux du même bleu que celui des Dodgers ont commencé à se fixer sur l’arrière du champ centre. "Culture différente, langue différente, gens différents" dit-il "mais même sport". Juan Ocampo / Los Angeles Dodgers pour le New York Times (traduit par l’équipe du BAF)
Une vidéo du site L’équipe sur Joris Bert !
BHONUS : Pour ceux qui n’y connaissent rien, Brett Butler fut un champ centre super rapide qui joua notamment pour les Dodgers et les Giants dans les années 80-90; trés combatif, voleur de bases, bonne moyenne au bâton, le type même du lead off qu’il faut avoir.
Comme on peut le voir, Brett Butler joua aussi chez les Indians de Cleveland: ici, tel un gamin à côté de Joe Carter, qui était lui un vrai power hitter.