Baseball, Virus & Grippe Espagnole

 
Nous devons donc rester en confinement en raison de ce virus qui est une véritable pandémie mondiale. Cela rappelle, en certainement moins grave, les effets de la "Grippe Espagnole" qui causa la mort de plus….. de 50 millions de personnes dans le monde, il y a cela plus d’un siècle. En ces temps de Coronavirus, le sujet est donc d’une brûlante actualité. Certes, il n’est pas très joyeux mais c’est l’occasion de rendre hommage à certains  oubliés du baseball… 

Il y a un siècle, la Grippe Espagnole ("Spanish Flu") ravageait donc la planète. Plus de cinquante millions de morts (estimés), alors que la Grande Guerre en avait fait "à peine" dix millions dans les tranchées. De 1918 à 1919, le virus fut donc beaucoup plus efficace que les canons…Tous les pays furent concernés et toutes les couches sociales affectées. Le baseball paya aussi son tribut à la maladie. L’épidémie débuta courant août 1918 aux Etats Unis par Boston et atteint rapidement une grande partie de la population américaine. 

  

Hécatombe en 1918

L’ambiance est pour le moins particulière aux Etats Unis. L’entrée en 1917 dans la première Guerre Mondiale va voir les premiers soldats américains mourir en Europe, auquel s’ajoute désormais le malheur de la pandémie.  Le port de masques devient une nécessité. La saison 1918 des Ligues Majeures va devoir être écourtée.

Les équipes jouent entre 122 et 129 matchs (au lieu des 140 prévus) et les finales se jouent en septembre. Le 11 de ce mois, les Red Sox de Boston sont sacrés champions du monde après avoir battu les Cubs de Chicago (4 matchs à 2). Babe Ruth qui avait contracté cette gripe espagnole (et une pneumonie) parviendra néanmoins à lancer deux matchs pour Boston….. pour rappel, ce sera d’ailleurs la dernière fois que les Red Sox gagnent les World series (jusqu’en 2004…)

 

Babe Ruth, plus fort que la grippe espagnole 

Mais nombre de personnalités liées au monde du baseball sont frappées de plein fouet par le fléau. La plus célèbre de toutes n’est pas un joueur mais un arbitre.

Francis H. "Silk" O’Loughlin est arbitre au sein de l’American League pendant seize ans (1902-1918). Il officie pendant les World Series de 1906, 1909, 1912, 1915 et 1917. Lors de ces dernières, il est même l’arbitre en chef. Il est reconnu pour son impartialité et son jugement toujours sûr.

 

O’Loughlin c’est le 2e arbitre à partir de la gauche

O’Loughlin reste dans l’histoire pour son style d’arbitrage : il est le premier à annoncer bruyamment  les balles, les strikes ou les outs. Il est le premier à éjecter Ty Cobb d’une rencontre en 1908. En 1912, O’Loughlin expulse trois membres des NY Highlanders (futurs Yankees). En retour, le public le bombarde de bouteilles en verre !

Quatre jours après, il sort de nouveau Ty Cobb d’un match car The Georgia Peach vient juste de frapper un fan handicapé qui l’avait insulté. 

Au cours de sa carrière, "Silk" O’Loughlin arbitre dix no-hitters (dont sept à la plaque), un record qui tient jusqu’en…2001 ! Il meurt à 46 ans dans son appartement bostonien à cause de la grippe espagnole, le 20 décembre 1918.

 Deux joueurs passés par les Ligues Majeures sont terrassées par la pandémie.

Le premier s’appelle Larry Chappell. Né dans l’Illinois en 1890, ce dernier débute sa carrière en MLB le 18 juillet 1913 avec les Chicago White Sox. Il joue champ gauche et termine la saison avec une moyenne de  .231, 15 RBI et sept bases volées en 60 matchs.

En 1914, à cause d’une blessure au pied, il ne peut guère s’exprimer dans le Show (seulement 39 at-bats) et en 1915, Chappell ne se présente…qu’une seule fois à la batte ! Il est ensuite renvoyé vers les ligues inférieures.

Des stats faméliques qui expliquent pourquoi les White Sox veulent s’en débarrasser. En 1916, avec deux autres coéquipiers et un bonus financier, il est envoyé aux Cleveland Indians en échange de Shoeless Joe Jackson qui entrera dans l’histoire à cause du fameux scandale des Black Sox (voir article).

 Chappell ne joue que trois rencontres avec la franchise de l’Ohio avant d’être acheté par les Boston Braves où il ne laisse pas un souvenir impérissable….Il quitte les Ligues Majeures en avril 1917 et retourne en mineures chez les Colombus Senators. Il signe ensuite chez les Salt Lake City Bees en Pacific Cost League.

En juillet 1918, alors que les Etats-Unis sont  en guerre contre les Empires Centraux depuis le 6 avril 1917, Chappell rejoint l’US Army Medical Corps et est affecté à un hôpital de San Francisco. C’est là qu’il est infecté par la grippe espagnole dont il meurt le 8 novembre 1918 à l’âge de 28 ans.

 

L’autre big leaguer s’appelle Harry Glenn. En avril 1915, pour l’ouverture de la saison, il est appelé en Major League pour remplacer le catcher vedette des St Louis Cardinals : Frank Snyder (futur triple vainqueur des World Series : comme joueur des NY Giants en 1921 et 1922 puis comme coach des Yankees en 1933) alors indisponible. Glenn ne joue que six matchs où il a le temps de coller cinq hits en seize at-bats (.313 de moyenne) puis il est rétrogradé. Jamais plus il ne regoûtera aux joies du Big Show.  En tout, il joue huit saisons en Minor Leagues. En 1918, il sert comme mécanicien dans l’aviation et c’est là qu’il est infecté par la grippe espagnole. Il décède le 12 octobre 1918 d’une pneumonie liée au virus.

 

Deux (ou trois) joueurs vedettes des Negro Leagues sont aussi fauchés par la maladie.

Né en 1889, Pearl F. "Specks" Webster est un catcher qui peut aussi jouer première base ou champ extérieur. Il fait ses débuts professionnels en 1911 pour les Chicago Leland Giants. Il évolue ensuite dans plusieurs équipes. De 1912 à 1916, le batteur gaucher joue pour les Brooklyn Royal Giants, frappant avec une moyenne de .333 lors de sa dernière saison. On le décrit comme un bon champ, un batteur intelligent et un fabuleux voleur de base. Un jour, il se permet de voler la seconde, la trois et le marbre en une seule manche !

Pearl Specks Webster

L’hiver, comme beaucoup de joueurs des Negro Leagues, Webster se déplace vers le Sud pour prendre part à la Florida’s Coconut League, composée d’équipes liées à des hôtels.

En 1918, alors qu’il porte le maillot du Hilldale Club, une équipe de Negro League basée à Darby (Pennsylvanie), il est appelé sous les drapeaux. Il est envoyé en France où il sert sous le grade de caporal. Il succombe de la grippe espagnole en novembre 1918, quelques jours avant l’armistice….

Quant à Ted Kimbro, il voit le jour en 1895 à St Louis.  En 1913, il débute sa carrière professionnelle à l’âge de 18 ans comme short-stop pour les West Baden Sprudels (Indiana) une équipe indépendante de joueurs noirs. Il joue ensuite pour plusieurs clubs comme les Louisville White Sox, les St Louis Giants, Hilldale ou les New York Lincoln Giants.

En 1918, Ted Kimbro est appelé pour servir son pays en guerre, en même temps qu’un ancien coéquipier : Specks Webster. Les deux hommes sont stationnés ensemble au Camp Dix dans le New Jersey. C’est là que le plus jeune tombe malade de la grippe espagnole. Il meurt le 19 septembre 1918, deux mois avant Webster, à l’âge de 22 ans… Un site trés pointu considère qu’un 3e joueur des Negro League a disparu également des suites de la Grippe Espagnole, ca serait Norman Triplett. 

   Webster, Kimbro et Triplett

Plusieurs joueurs des ligues mineures (notamment Cy Swain, Leo McGraw, David Roth ou Harry Acton) et d’autres personnalités liées au baseball (comme Eddy Martin, journaliste du Boston Globe et scoreur officiel lors des World Series de 1918, Chandler Richter, journaliste sportif ou encore J.J. McNulty, arbitre de la Federal League) sont emportés par la pandémie qui s’éteint en 1919.

Le baseball reprendra peu à peu en 1919, et les joueurs en Californie porteront des masques par précaution ! 

 

 

 

 

Les commentaires sont fermés.