Au temps des Cowboys et des Indiens

Une belle contribution d’un sacré joueur (A.J) sur la vie et le baseball. Pour le détail, c’est suite à un match des Astros de toulouse contre les Indians de Boé…

Pour certains, l’aventure a commencé depuis des années, il y a 20 ans pour quelques uns, 15 ou 10 pour d’autres. Cette aventure était un jour de réaliser un rêve, celui de devenir baseballer. Pour ma part ça a commencé dans des magasines quand j’avais 14 ans, en regardant ces mecs à casquettes qui plongeaient sur des balles impossibles ou ces gars avec leur batte qui tenaient la victoire de leur équipe au bout de leurs mains.

Plus qu’un sport, un jeu qui avait l’air génial et dont on sentait qu’on avait aussi notre place sur ces photos. A défaut d’y jouer dans des images, on y jouait sur des terrains vagues avec des sacs plastiques ou un pull en guise de base, un bouquin de règles en guise d’arbitre et des battes et gants Mc Evans achetés ou volés pour certains à carrefour.

Et un jour, on achète un vrai gant, avec du vrai cuir qui sent l’Amérique, celle des cow boys et des indiens et qui inspire au rêve. Mais on continue de jouer dans un champs en inventant des règles car on n’est que 2 sur un chemin de terre. Un jour une annonce, un jour un mec qui monte un club, un jour on revêt sa première tenue tels des élus qui seront les premiers et souvent les uniques à porter les couleurs de cette équipe et cette belle tunique. Et on rêve quand on nous appelle au téléphone pour nous demander nos mesures, le numéro que l’on voudrait porter, de sentir que le destin nous a choisi, nous, pour être ceux qui auront l’honneur de porter le maillot de leur ville et telle une petite armée, juste armée de rêves et d’illusions, d’aller porter bataille pour de vrai cette fois, sur de vrais terrains (de foot parfois), aux autres villes. Et on rêve de frappes héroïques qui transpercent les défenses.

Notre région devient à nos yeux un immense champ de bataille. On a 14 ans et on se sent investi d’une mission, celle d’être un héros régional et de prendre rendez vous avec notre légende. A défaut de légende on a rendez-vous avec le livre de règles et celui qui l’a lu devient entraîneur malgré lui.

Et vient le temps des premiers entraînements dans la pluie, le froid et l’ennui, de ses balles que l’on ne rattrape pas, de ces strikes que l’on ne lance pas, de ces hits qui ne viennent toujours pas et de ce terrain que l’on n’aura pas. La motivation en prend un coup, certains ne restent pas, mais pour certains le rêve est toujours intact et continuent espérant des jours meilleurs et d’être un jour les joueurs qu’ils rêvaient d’être et d’atteindre les plus hauts niveaux.

Et le temps passe et apporte avec lui les entraînements de copains où à la lumière de la fin du jour et à la fin des cours, on se retrouve sur un terrain, notre terrain, fraîchement tondu qui sent l’été, qui sent la saison et l’envie de s’entraîner jusqu’à la tombée de la nuit pour taper la balle, faire des rattrapés de folie, apprendre des nouvelles façons de jouer, au gré des rencontres de joueurs expérimentés ou des premiers matchs trouvés sur des chaînes câblées que personne ne connaît… et de ce choc de la première fois où on voit du vrai baseball à la télé, émerveillés devant un Houston contre Cleveland comme si on découvrait un trésor tant cherché.

Et oui le temps passe, des jeunes recrues inexpérimentées tout juste bonnes à rêver, on devient des guerriers, des amis, des frères d’armes et on commence à gagner, à gagner des championnats même parfois, à avoir fait nos premiers home runs, ou nos premiers K, nos premières histoires incroyable que l’on raconte à chaque repas, et oui le temps passe mais emporte avec lui nos meilleurs moments et certains s’en vont et de ces clubs qui résistent dans des championnats appauvris, avec un effectif de survie et des spectateurs invisibles, il n’en reste plus rien et dans l’indifférence générale, on abandonne l’aventure et nos rêves d’Amérique car il est loin le temps où le baseball nous faisait rêver comme des enfants de 15 ans. Il est fini le temps des cow boys et des indiens.

Un jour, on rêve en repensant aux jours anciens et on pleure. Quoi de tout cela, de ces championnats gagnés il n’en reste rien ? Juste la nostalgie de ces extases sublimes à raconter devant nos bières ? Les photos qui nous font rêver et font rêver nos enfants sont les nôtres désormais, celle qui traînent depuis longtemps dans un classeur ou un site abandonné et non plus dans nos magazines.

Quelques-uns uns sont mercenaires et s’enrôlent chez d’autres pour briller encore une fois ou tentant l’aventure en N1, mais le cœur n’y est pas. Pour se sentir un astre brillant, il nous faut nos étoiles, celles qui ont toutes déjà gagné un championnat. Pour ma part, malgré tous mes déménagements où je vide mes armoires, j’ai toujours gardé mon gant, une paire de spikes et mon pantalon blanc rayé bleu de vieux mangeot, au cas où un signal m’appelle dans le ciel.

Et un jour un entraînement improvisé, on se regarde, on est tous là avec nos dégaines de baseballeurs, nos bras qui sentent la poudre et une nouvelle batte achetée pour soi disant décorer. Toujours une envie intacte de pas se dire qu’on est fini et on se dit « et si on recommençait !!! »

Un jour un mec décide de tout relancer au détour d’un pub, même si on pense qu’il n’y arrivera jamais. Un jour un match amical histoire de retrouver le plaisir de rejouer ensemble. Et on retrouve la même joie de voir ses courbes passer et ses frappes fuser. Un soir sans savoir pourquoi, on répond présent pour retourner courir sous un pont, s’entraîner sous un réverbère. Un jour on refait des pompes, des haltères on recommence à courir, à rêver d’une jeunesse retrouvée. Un jour un nouveau nom, une nouvelle équipe mais avec les mêmes gueules, une nouvelle aventure, un nouveau calendrier et un gant brodé à notre nom.

Et on rêve quand un jour on reçoit un mail qui nous demande notre taille, le numéro que l’on voudrait porter pour notre magnifique et ultime maillot et de sentir que le destin nous a choisi nous, pour embarquer sur ce radeau de la méduse, rescapés des âges dans l’océan de nos gloires passées. Mais notre radeau ressemble à un trois mats armés de 9 canons et on regarde la France comme un immense champs de bataille.

Un jour on débarque en avion de Londres ou de Madrid, tout naturellement, pour renforcer les rangs, comme si on n’était jamais  parti, juste le temps d’un dimanche. Un jour, on se laisse tous pousser une moustache, et on rit sur un parking, aux anges avec nos postiches dans l’attente et la hâte de découvrir nos nouveaux maillots et de faire parler nos battes.

Et un jour entre deux déconnades, on bat les champions de France.

Plus qu’une victoire sportive, et pour citer Lorenzo, c’est une victoire sur la vie que d’être, après tout ce temps, après toutes ces vies, après toutes ces parties sur un terrain vague avec nos gants et nos sacs en plastiques ou ces saisons qu’on oublie, malgré nos âges et nos soucis, d’être encore tous réunis autour de la même petite balle et le même idéal.

Nos rêves d’Amérique deviennent des rêves de Mexique. Désormais on a deux fois 15 ans et les meilleurs moments sont aussi devant maintenant.

Car il est là le temps des Astros et des Indians

 

1 commentaire à “Au temps des Cowboys et des Indiens”

  1. Onilov dit :

    La boule ` la gorge et la larme ` l’oeil.

    Merci AJ !

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