Musique & baseball : Frank Sinatra
Retour sur l’histoire d’une chanson ô combien nostalgique signée Frank Sinatra, "There used to be a ballpark" datant de 1973, qui parle de la perte des repères et surtout de toute une époque révolue du baseball, le Golden Age ! Et oui Sinatra, avant d’être le crooner et l’homme à femmes, restait avant tout un gros fan de baseball.
Frank Sinatra a toujours été fan de baseball et principalement des deux équipes de New York, les Giants et les Dodgers.
Frank Sinatra connaîtra l’âge d’or du baseball à New York qui rassemble, rappelons-le, trois importantes franchises, les Yankees, bien entendu, mais également les New York Giants et les Brooklyn Dodgers. Les Yankees sont au sommet entre 1947 et 1957 et gagneront les World Series 8 fois en 10 saisons ! Les Yankees de cette époque, ce sont des noms de légende comme Joe Di Maggio, Bill Dickey, Phil Rizzuto, Yogi Berra. Les Brooklyn Dodgers, leurs éternels rivaux, parviendront eux 5 fois en World Series pour jouer contre les Yankees durant cette même période. Les Dodgers de l’époque, c’est des noms comme Duke Snider, Jackie Robinson, Pee Wee Reese, Roy Campanella, Gil Hodges. Les deux franchises remporteront entre 1947 et 1957 à eux deux 12 titres de MVP. Dire que le baseball majeur se résume à New York dans ces années n’est donc pas abusif.
Le Ebbets Field, l’un des symboles du Golden Age à New York
Immigré d’origine italienne, Frank Sinatra naît dans une famille qui n’a d’yeux que pour l’équipe du quartier de Washington heigts, les Giants de New York, la "petite franchise" de New York. Ses parents sont même abonnés à l’année et Frank Sinatra suivra donc comme tout new yorkais son équipe de coeur. L’attachement de Sinatra aux Giants est donc des plus sincères.
Malgré le succès incroyable du crooner à la fin des années 40, Frank Sinatra n’oubliera jamais ses racines et les amis qu’il a dans le baseball. Il est trés ami avec Leo Durocher, le coach des Brooklyn Dodgers de la grande époque, qui aura l’idée scandaleuse de signer en 1948 avec les New York Giants, leur rivaux, peut être sur les conseils avisés de son ami, Frank Sinatra ! En 1949, alors que Sinatra est pressenti pour jouer dans une comédie musicale dans l’univers du baseball, "Take me out to the ball game" avec Gene Kelly, il tente même d’imposer Leo Durocher comme acteur dans le film. Mais les talents de chanteur et de danseur de Leo Durocher étant trop limités, c’est finalement Jules Manchin qui prendra la rôle. Leo Durocher sera néanmoins reconnaissant et confiera Frank Sinatra à Phil Rizzuto, le short stop des Yankees de l’époque, pour lui donner des conseils afin qu’il paraisse crédible à l’écran en joueur de baseball.
Rizzuto expliquant le baseball à Sinatra : oui ça c’est une poche…
En 1951, Frank Sinatra est toujours derrière les Giants et va les suivre dans l’une des plus belles saisons accomplies ; tirant de plus de 13 matchs sur leur rivaux des Brooklyn Dodgers à la fin du mois d’août, les Giants parviennent à gagner 16 matchs d’affilé pour égaler les Dodgers et parvenir à les battre dans une série mémorable, et ce grâce au Home Run en 9e manche de Bobby Thomson, le fameux "the shot heard around the world", dont on a déjà parlé sur le blog.
Les Giants des années 50, c’est donc la petite équipe de New York mais elle a sa super star, Willie Mays, mais aussi Monte Irvin, le lanceur de knuckellball Hoyt Wilhelm, et le 2e base Bobby Thomson !
En 1951, les Giants remportent donc le titre suprême. En 1952 et 1953, ce sont les Dodgers qui remportent à leur tour le fanion de la National League et enfin en 1955 le titre des World Series. New York domine le baseball.
Mais cette époque du "Golden Age" de New York va disparaître à la fin des années 50. Les grandes franchises de l’Est vont migrer vers l’ouest et la Californie, ce nouvel eldorado.
Les New York Giants quittent ainsi le polo ground et sont transférés en Californie en 1957. Ils deviendront les San Francisco Giants.
En 1958, les Dodgers quittent à leur tour Brooklyn et le mythique Ebbets Field et déménagent également vers la Californie. Ils deviendront les Los Angeles Dodgers.
Pour les New Yorkais et les fans de baseball, ce départ des deux franchises sera un véritable traumatisme. D’autant que ces stades que sont le Ebbets field et le Polo Ground seront rapidement détruits.
Le traumatisme des fans
La destruction de Ebbets Field en 1960
Sinatra sera également témoin de ce départ o combien douloureux de sa franchise préférée.
Lorsque Frank Sinatra chante en 1973 cette chanson "There used to be a ballpark", c’est donc son hommage à toute cette époque, et le départ de son équipe. On a longtemps cru que la chanson se référait aux Dodgers et à leur départ de Ebbets field. Mais vu que Sinatra était avant tout fan des Giants, la chanson se réfère plus vraisemblablement au Polo Grounds et au départ des New York Giants de 1957. D’ailleurs, la chanson évoque la nouvelle franchise des Mets, qui joua au Polo Grounds en 1962-1963 et qui tenta de retrouver l’amour des ex fans des Giants. Les Mets auront d’ailleurs beaucoup de mal lors de leurs premières saisons, et la phrase "Cause the old team just isn’t playing, and the new team hardly tries", se réfère à ces pauvres Mets du début.
A travers la disparition de l’équipe et du stade, la chanson évoque plus généralement le sentiment de perte de repères et de perte tout court.
“And there used to be a ballpark where the field was warm and green
And the people played their crazy game with a joy I’d never seen
And the air was such a wonder from the hot dogs and the beer
Yes, there used a ballpark right here
And there used to be rock candy and a great big Fourth of July
With the fireworks exploding all across the summer sky
And the people watched in wonder, how they’d laugh and how they’d cheer
And there used to be a ballpark right here
Now the children try to find it
And they can’t believe their eyes
’cause the old team just isn’t playing
And the new team hardly tries"
A noter que Frank Sinatra déménagera finalement vers la Californie dans les années 70 et deviendra un fan hardcore des…. Los Angeles Dodgers ! Ne me parlez pas de fidélité, Monsieur Sinatra !