Le mystérieux Martin Dihigo

Il se nomme Martin Magdaleno Dihigo Llanos, mais on le connait sous le nom de Martin Dihigo. Mais qui est cet inconnu ?  J’ai personnellement appris son existence par un pur hasard en lisant un vieux numéro de Baseball Digest. Martin Dihigo est Cubain et il est peut être le plus grand joueur de tous les temps, et à coup sûr le joueur le moins connu de l’histoire du baseball ! Attention, on ne parle pas ici d’un joueur lambda mais d’un véritable prodige. En fait, Martin Dihigo a la particularité d’être le seul joueur au monde à être aux Hall of fame de quatre pays : celui de Cooperstown aux Etats-Unis, mais également celui de Cuba, du Mexique et récemment celui de la République Dominicaine. Ses surnoms valent peut être toutes les descriptions : on le nommait ‘El Inmortal" ou "El maestro"…. retour sur un prodige fort mystérieux !

Une anecdote suffit à présenter le personnage. Le 5 septembre 1938 se joue la finale du championnat d’été de baseball mexicain entre deux équipes : Aguila contre Agrario. Agrario est menée par le légendaire Satchel Paige. Et oui, le championnat mexicain se renforçait des stars de la Negro league et Agrario avait recruté du lourd avec Satchel Paige donc sur le monticule, Josh Gibson en catcher, Ray Dandridge et Willie Wells ! 

Sans surprise, il fait très chaud ce jour là au Mexique. Satchel Paige est dominant et lutte à armes égales contre l’autre lanceur de Aguila, un ace Cubain. Le score est très serré, 1-1 en 8e manche.  L’ace Cubain se nomme (vous l’avez deviné) Martin Dihigo et présente des statistiques tout simplement hallucinantes pour la saison : une fiche de 18-2 avec un ERA microscopique de 0,92 et un record de ligue de 184 K en saison ! Mais Paige semble subir le contre coup de la chaleur et en 9 e manche, ll est relevé par Ramon Bragana, un autre ace. L’ennui pour Agrario est que le meilleur frappeur de la saison se présente au bâton. Un joueur très dangereux à la moyenne de .387. Le frappeur s’élance et frappe une balle au dessus du champ centre pour un walk off Home Run ! Le match est plié. Aguila remporte la finale devant les yeux médusés de Paige et de Gibson…..

La particularité de cette histoire est que l’auteur de la frappe est aussi le lanceur de Aguila. Et oui, Martin Dihigo était à la fois le meilleur lanceur et le meilleur frappeur de cette saison mexicaine de 1938…. Martin Dihigo frappera ainsi ce jour là un 6 en 6 pour aider sa cause de lanceur. Rien de bien extraordinaire pour un prodige comme Martin Dihigo.

Martin Dihigo en 1938 

Martin Dihigo est né à Cuba en 1905 et débute le baseball professionnel à l’âge de 17 ans. Il débute dans le milieu de l’infield jouant SS ou 2e base, mais trés rapidement il se met également à lancer et à jouer aussi en Outfield. Il est grand et trés athlétique et va peu à peu s’imposer comme l’un des meilleurs joueurs de baseball des années 30, et ce, où qu’il aille jouer, et ce quel que soit son poste sur le terrain.

Mais la peau noire de Martin Dihigo va l’empêcher de jouer dans les grandes ligues et il découvrira finalement les Etats Unis par le biais uniquement des Negro League. Son parcours est des plus difficiles à suivre, puisqu’il joue toute l’année, passant de Cuba aux Negro Leagues. 

Il débute vraisemblablement en 1922 dans le club Cubain de Havana Reds puis part jouer dés 1923 dans les débuts des Negro Leagues dans la Eastern Colored League au sein des Cuban Stars à l’âge de 17 ans. Puis il revient jouer lors de l’hiver en Cuban Winter League. Lors de la saison 1925-1926, il explose et devient à l’âge de 20 ans un joueur de grande qualité, frappant pour .344 en Cuban Winter League .

Le jeune Martin Dihigo 

Il est un frappeur sans pitié de toutes les balles rapides possibles. Ses seules "faiblesses" au bâton étant les balles à effet. En défense, il joue avec élégance à n’importe quel poste du terrain de jeu.

En 1926, il devient une star en Negro league, joue 1ère base et frappe pour .327 et cogne 12 Home Runs en 1926 au sein de l’Eastern Color League. Son talent s’impose aussi en Cuban League. Il frappe pour .413 en Cuban Winter league et commence à lancer (fiche de 2-0) en 1926. On retrouve ses traces avec des statistiques en 1927 où il frappe pour .408 et pour 389. en 1929. Il remporte le titre de MVP de la ligue cubaine en 1927.  

Il fait les allers retours entre les Negro league et Cuba durant toute l’année récoltant les titres. Il joue pour les Homestead Grays en Négro league (1927-1928) puis pour le club d’Almendares à Cuba à partir de 1929. Et comme de nombreux joueurs de son époque, il va s’exporter de plus en plus dans les championnats étrangers qui se créent en Amérique latine et qui ne pratiquent pas de ségrégation raciale, notamment le Venezuela et le Mexique. 

Vers 1931, il s’exporte donc au Venezuela, au sein de l’équipe de Concordia où il va devenir leur ace. Et oui, Dihigo lance de plus en plus souvent. Les quelques observateurs encore vivants du prodige déclarent qu’il est doté d’un bras terrifiant sur la butte. Lorsqu’il ne lance pas, il joue en outfield. Il reste quelques années au Venezuela puis revient jouer à Cuba aux Cienfuegos Elefantes et à la trentaine il revient jour dans les Negro league. Il est alors joueur manager des New York Cubans où il fait tout, frappe pour .335 lance pour une fiche de 7-3 (ERA de 3,54) frappe 9 HR sur une saison d’un cinquantaine de matchs ( soit 3e de la ligue à égalité avec Oscar Charleston ). Lors du All Star Game de 1935, il débute au champ centre pour finalement relever Luis Tiant Sr, et perdre le match face à une frappe titanesque de Mule Suttles en 11e manche. 

Période New Yok Cubans 1935 (Negro League)

En 1935-1936, il repart jouer en Cuban Winter League au sein de Santa Clara où il est désormais joueur manager. Il écrase tout sur son passage, menant la ligue dans tous les secteurs, à la moyenne à la batte (.358), points (42), hits (63), Triples (8), RBI 538), mais également en tant que lanceur (11 victoires, 13 complete games, 4 shutouts). il est élu MVP et mène son équipe au titre (fiche de 34-14). 

En 1937, il part jouer en ligue dominicaine avec le club de Aguilas Cibaenas ; là encore il est le leader en HR, Hits et en Victoires !  Puis il part jouer dans la ligue mexicaine avec le club de Veracruz Eagle où il lance pour 4-0 et 0,93 ERA, et le premier No Hitter de l’histoire du baseball mexicain professionnel.

Il est au top. En 1938, il domine la ligue mexicaine à nouveau (18-2 avec Veracruz) et va donc battre Satchel Paige en finale. 

Eternel globe trotter, Martin Dihigo a écumé tous les championnats de son époque et les a tous dominés. Il est fort à tous les postes. 

Dans les années 40, il continue à jouer principalement au Mexique, où il enchaîne les saisons chez les Union Laguna, Nuevo Laredo, puis San Luis Potosi.  Il se retire du baseball professionnel au tout début des années 1950 où il lance deux manches sans points pour Vera Cruz pour finir véritablement avec les Leones de Caracas au Venezuela en 1952 -1953.

La période Union Laguna (Martin Dihigo, c’est le plus grand) 

En carrière, ses statistiques démontrent sa régularité sans faille. Il affiche une moyenne au bâton de .317 durant toute sa carrière en ligue mexicaine où il était surtout considéré comme un lanceur !  Lors des 9 saisons où on retrouve ses statistiques à Cuba, il a toujours une moyenne supérieure à .300 . On sait qu’il a frappé au moins 130 Home runs en carrière, mais 11 saisons au moins sont manquantes sur les statistiques à Cuba. Surtout, il faut réaliser que les stades dans lequel jouaient les cubains étaient juste énormes (souvent 500 feet). Il participe à pas moins de 14 saisons en Negro league où il excelle en tant que lanceur (208 wins pour 106 défaites). Il serait à 252- 132 en carrière, chiffres qu’il faut prendre avec précaution puisque de nombreux championnats n’étaient pas correctement scorés.

La liste des clubs pour lesquels il a joué semble infini, dans les Negro league, il a joué pour les Cuban Stars (1923-1927), Homestead Grays (1927-1928), Hilldale Giants (1929), New York Cubans (1935-36, 1945), à Cuba, il a joué pour Habana (1922-1929 et 1938-1945), Almendares (1923-24, 1929-1932), Santa Clara (1935-36), Cienfuegos (1939-1940) ; en Mexican League, il a joué pour Vera Cruz, Union Laguna, Nuevo Laredo, San Luis Potosi ; au Venezuela, pour le club de Concordia (1932), Universidad (1933) et les Leones de Caracas (1952-1953). Il manage aussi des équipes itinérantes, comme celle des Xalapas Chileros (Mexique 1952-1953). 

Période Cienfuegos (Cuba)

Al Campanis, le general manager des Dodgers disait de lui ;"le meilleur joueur que j’ai jamais vu dans toute ma vie, c’est Martin Dihigo, et il n’a jamais pu jouer en Major league. Après lui, je pense que Roberto Clemente et Willie Mays sont les deux meilleurs que j’ai vu jouer dans toute ma vie".

Buck Leonard disait de lui, "C’est juste le meilleur joueur de tous les temps, blanc et noir réunis. il pouvait tout faire. Il est mon joueur idéal de baseball, quelque soit la couleur de sa peau. Prenez Ruth, Cobb ou Di Maggio ; donnez moi Dihigo et on vous battra à tous les coups "

Pour Cholly Naranjo, un joueur Cubain qui joua a Almendares puis aux Pirates de Pittsburgh et qui l’avait joué avec, Martin Dihigo était Dieu sur le terrain ! 

Après sa retraite, il deviendra commentateur sportif un temps à Cuba. Ses commentaires quelques peu acerbes sur les nouvelles stars du baseball des années 50 laissent croire à une certaine jalousie face à un monde où le baseballer devient une star. Dihigo a eu pour lui une carrière immense et une popularité énorme pour le public Cubain mais il n’a jamais pu vivre sur l’or. Certainement la fin de la ségrégation en 1947 a un goût amer pour Martin Dihigo. Le cubain n’aura jamais pu jouer dans les plus grandes ligues de son époque.      

1957 : Martin Dihigo discute avec une autre légende Roy Campanella

Sans surprise, "el inmortal" est élu au hall of fame de Cuba dés 1951, au Salon de la Fama Mexicain en 1964, et en 1977 par un comité spécial des Negro Leagues pour le hall of fame américain, et finalement en 2010 au Salon de la Fama crée en République Dominicaine.      

 

BHONUS :

Martin Dihigo par Kadir Nelson

Peu d’image de lui bien entendu, mais un documentaire de la télé Cubaine sur l’auteur de sa biographie qui retrace sa carrière et les quelques images que nous détenons de lui.  

 

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